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Entraide et Tradition

Jean Paul II et la sacerdoce (5)

publié dans la doctrine catholique le 27 juillet 2013


Lettre de JP II aux prêtres
Le Jeudi Saint 2001

Introduction

Si on me demandait qu’elle fut le motif des nombreuse lettres du pape JP II écrites aux prêtres le Jeudi saint, je répondrais volontiers en utilisant les propos qu’il tient au n° 6 de cette lettre de 2001. Il écrit : « Le Jeudi saint, journée spéciale de notre vocation, nous invite à réfléchir surtout sur notre « être » et en particulier sur notre chemin de sainteté. C’est de ce dernier que découle aussi l’élan apostolique ». Ce sera de fait l’objet de toutes les réflexions qu’il communiquera à ses prêtres le Jeudi Saint : soit sur la nature du sacerdoce : l’être sacerdotal, soit sur la sanctification des prêtres, raison de leur élan missionnaire.

Les mystères célébrés au Cénacle.

Dans le § 1 de cette lettre du Jeudi Saint de l’an 2001, le pape, comme à l’accoutumé maintenant, puisqu’il adresse tous les Jeudi saint une lettre ad hoc pour les prêtres, fait une magnifique synthèse des mystères qui se sont déroulés en ce jour très saint, au Cénacle. Là, c’est accompli un « Mystère d’un amour » sans limites, car « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1); Le pape écrira au n° 16 cette belle phrase : « au Cénacle, nous nous mettons en contemplation émue de l’heure où Jésus, s’est donné lui-même à nous sous le signe du pain et du vin, anticipant sacramentellement le sacrifice de la Croix » ; « un Mystère d’unité » par le don de l’Esprit Saint envoyé (Jn 17) ; enfin un « Mystère de service » qui « conduit le Verbe fait chair à laver les pieds de sa créature, montrant que le service est la voie principale de toute relation authentique entre les hommes: « Comme je l’ai fait, faites-le vous aussi… » (cf. Jn 13, 15).
De ces mystères qui se déroulent au Cénacle, le prêtre, nous dit le pape, en est « le témoin et le ministre ». Il doit en vivre !
C’est au Cénacle que les disciples ont reçu le sacerdoce. C’est pourquoi le pape définira un peu plus bas le sacerdoce comme «un mystère de miséricorde ».
C’est surtout le mystère de la miséricorde de Dieu que l’on contemple sur le « visage du Christ » qui sera l’objet des considérations du pape en cette lettre de l’an 2001. (n° 2)

Félicitations aux prêtres

N°3 : Mais avant de se lancer dans cette contemplation sur la miséricorde, le pape veut féliciter ses prêtres pour le travail apostolique accompli avec discrétion et ténacité principalement lors de l’année Jubilaire. On sent qu’il a une grande estime, tout comme saint Pie X, pour le travail « missionnaire » des prêtres en paroisse: « Je désire aujourd’hui exprimer à chacun d’entre vous mes remerciements pour ce que vous avez fait durant l’Année jubilaire afin que le peuple qui vous est confié ressente plus intensément la présence salvatrice du Seigneur ressuscité. Je pense aussi en cet instant au travail que vous accomplissez chaque jour, travail souvent caché qui, sans accéder aux feux de la rampe, fait avancer le Règne de Dieu dans les consciences. Je vous dis mon admiration pour ce ministère discret, tenace, créatif, bien qu’il soit parfois traversé par les larmes de l’âme que Dieu seul voit et qu’il « recueille en ses outres » (cf. Ps 55, 9). Ce travail est d’autant plus méritoire et digne d’estime qu’il se développe, – le pape connaît la réalité du terrain – : « dans un monde largement sécularisé », qui peut entrainer « embuches » et « découragements ». Mais « Vous le savez bien: cet engagement quotidien est précieux aux yeux de Dieu ».

Mais surtout ne l’oubliez pas, votre travail missionnaire sera d’autant plus fructueux que vous vivrez vous–mêmes, nous dit le pape, davantage dans l’intimité du Maître. Il faut sans cesse « développer » nos rapports avec Lui : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe » (Ap 3, 20). Parce que nous devons prêcher le Christ, nous devons « vivre en intimité avec Lui ». Sinon nos paroles risquent d’être vides et de ne pas toucher les cœurs en quête, malgré tout, de Dieu. A la fin du son n° 3, il a cette phrase qui porte : « Seuls des témoins authentiques peuvent répandre de manière crédible la parole qui sauve ». Le pape a le chic des formules qui retiennent l’attention.

Le sacrement de pénitence, œuvre de miséricorde.

N°4 : avec ce n° 4, le pape entre dans le vif du sujet de sa lettre. Nous avons dit plus haut qu’il veut méditer avec ses prêtres sur le mystère de la miséricorde de Dieu. Mais il veut le faire plus particulièrement en s’arrêtant sur le sacrement de pénitence, la « réconciliation sacramentelle ». Œuvre par excellence de la miséricorde. Il reviendra sur ce sujet dans sa lettre du Jeudi Saint de l’an 2002. Ce fut un des thèmes de l’année jubilaire de l‘an 2000.
Il explique cette insistance en raison de la « crise » que connaît ce sacrement dans l’Eglise.

La crise touchant ce sacrement

N° 5 : « Vous savez bien, dit le pape, qu’au cours des dernières décennies ce sacrement a été marqué, pour plus d’un motif, par une certaine crise » D’où la nécessité pour l’Eglise d’ « affronter cette crise » et de redresser la tendance. C’est pourquoi il y eut la convocation du Synode en 1984 consacré à ce thème et le texte qui l’a suivi « Reconciliatio et paenitentia » ; d’où également l’insistance portée sur ce sujet lors de l’année jubilaire qui, sous ce rapport, fut un succès. Que de confessions dans les Basiliques romaines ! Toutefois, dit le pape : « Il serait naïf de penser que la pratique plus intense du sacrement du pardon au cours de l’Année jubilaire constitue à elle seule la preuve d’une inversion de tendance désormais acquise Mais il y a eu là un signal encourageant …qui nous pousse à reconnaître que les exigences profondes de l’esprit humain, auxquelles répond le dessein de salut de Dieu, ne peuvent pas être effacées par des crises temporaires. Il faut recevoir comme une indication d’en haut ce signal jubilaire et en faire le motif d’une nouvelle audace pour proposer à nouveau le sens et la pratique de ce sacrement » Ce sera, du reste, ce point particulier qui fera l’objet de sa lettre du Jeudi saint 2002.Il annonce déjà cette considération dans cette lettre.

Le chemin de sainteté sacerdotale

N°6. « Mais ce n’est pas tellement sur le problème pastoral que je veux m’attarder ». C’est là qu’il donne le motif de ces lettres du Jeudi saint : « Le Jeudi saint, journée spéciale de notre vocation, nous invite à réfléchir surtout sur notre « être » et en particulier sur notre chemin de sainteté. C’est de ce dernier que découle aussi l’élan apostolique ».

Quel est précisément « le chemin de sainteté » que nous enseignent les mystères du Cénacle ?

Le pape contemple le geste du Seigneur se faisant serviteur. Saint Pierre est confondu d’une telle attitude et exprime son « sentiment d’indignité ». « Comment ne pas éprouver, avec Pierre, le même sentiment d’indignité devant la grandeur du don reçu? ». Il est important, dit encore le pape, qu’en cette journée par excellence de l’amour, nous sentions la grâce du sacerdoce comme une surabondance de miséricorde ». « Est miséricorde l’absolue gratuité avec laquelle Dieu nous a choisis: « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16). Est miséricorde la condescendance avec laquelle il nous appelle à œuvrer comme ses représentants, tout en nous sachant pécheurs. Est miséricorde le pardon qu’il ne nous refuse jamais, pas plus qu’il ne le refusa à Pierre après le reniement. Pour nous aussi vaut l’affirmation selon laquelle « il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion » (Lc 15, 7).

Le prêtre un mystère de miséricorde.

Le pape, avons nous dit veut méditer sur ce qu’est le prêtre, c’est l’objectif essentiel de ses lettres du Jeudi saint. Qu’est-ce que le prêtre ? Le pape a cette belle définition : le prêtre c’est « un mystère de miséricorde.

Il justifie cette affirmation en contemplant et la figure de saint Pierre et de saint Paul.

D’abord de saint Pierre : toute sa vocation est comme un « mystère de miséricorde »
C’est l’objet de son magnifique n° 7 : Redécouvrons donc notre vocation comme « mystère de miséricorde ». « Nous voyons dans l’Évangile que c’est précisément dans cette attitude spirituelle que Pierre reçoit son ministère spécial. Son histoire est exemplaire pour tous ceux qui ont reçu la charge apostolique, dans les différents degrés de l’Ordre ».
N°8 : Maintenant saint Pierre: La pensée du pape se tourne vers la scène de la pêche miraculeuse telle qu’elle est décrite dans l’Évangile de Luc (5, 1-11). Jésus demande à Pierre un acte de confiance en sa parole, l’invitant à avancer au large pour pêcher. Demande humainement déconcertante: comment le croire après une nuit blanche et épuisante, passée à jeter les filets sans aucun résultat? Mais essayer à nouveau « sur la parole de Jésus » change tout. Les poissons se précipitent en masse, jusqu’à rompre les filets. La Parole dévoile sa puissance. Cela engendre la stupéfaction, et en même temps la crainte et le tremblement, comme lorsqu’on reçoit à l’improviste un puissant faisceau de lumière qui met à nu toute limite personnelle. Pierre s’exclame: « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (Lc 5, 8). Mais il a à peine fini d’exprimer sa confession que la miséricorde du Maître se fait pour lui début de vie nouvelle: « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes qui tu prendras » (Lc 5, 10). Le « pécheur » devient ministre de la miséricorde. De pêcheur de poissons à « pêcheur d’hommes! ».

N° 8 « Oui le Christ le Christ n’a pas eu peur de choisir ses ministres parmi les pécheurs. N’est-ce pas là notre expérience? »
« Il reviendra encore à Pierre d’en prendre plus vivement conscience dans son dialogue émouvant avec Jésus après la résurrection. Avant de lui conférer la charge pastorale, le Maître pose la question embarrassante: « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci? » (Jn 21, 15). Celui qui est interpellé est celui-là même qui quelques jours plus tôt l’a renié à trois reprises. On comprend bien le ton humble de sa réponse: « Seigneur, tu sais tout: tu sais bien que je t’aime » (ibid., v. 17). C’est en fonction de cet amour conscient de sa fragilité, amour professé avec autant de tremblement que de confiance, que Pierre reçoit le ministère: « Sois le berger de mes agneaux », « sois le pasteur de mes brebis » (ibid., vv. 15.16.17). C’est en fonction de cet amour, fortifié par le feu de la Pentecôte, que Pierre pourra accomplir le ministère reçu ».
N°9 Maintenant saint Paul : « N’est-ce pas aussi au cœur d’une expérience de miséricorde que naît la vocation de Paul? Personne n’a ressenti autant que lui la gratuité du choix du Christ. Son passé de persécuteur acharné de l’Église sera toujours une brûlure en son esprit: « Moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu » (1 Co 15, 9). Et pourtant, loin de réduire son enthousiasme, ce souvenir lui donnera des ailes. Plus on a été entouré par la miséricorde, plus on sent le besoin d’en témoigner et d’en rayonner. La « voix » qui l’atteint sur le chemin de Damas le porte au cœur de l’Évangile, et elle le lui fait découvrir comme amour miséricordieux du Père qui se réconcilie le monde dans le Christ. À partir de là, saint Paul comprendra également le service apostolique comme ministère de réconciliation: « Tout cela vient de Dieu: il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui; il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés, et il mettait dans notre bouche la parole de la réconciliation » (2 Co 5, 18-19).

Après avoir donné une définition originale du prêtre, le pape maintenant aborde le deuxième aspect de ses lettres du Jeudi saint : la voie de sainteté du prêtre/ C’est l’objet du n° 10 et suivants :

N° 10 Ces témoignages de Pierre et de Paul « contiennent de précieuses indications pour nous ». NB Ce mot « indication » revient très souvent dans le vocabulaire du pape.

Premièrement « Ils nous invitent à vivre avec le sens d’une infinie gratitude le don du ministère: nous n’avons rien mérité, tout est grâce! »
Deuxièmement : « L’expérience des deux Apôtres nous invite en même temps à nous abandonner à la miséricorde de Dieu, pour lui remettre nos fragilités avec un sincère repentir, et reprendre avec sa grâce notre chemin de sainteté ».
Voilà le chemin de la sainteté. Il vaut pour les fidèles comme pour nous. (Ce fut le message particulier de la lettre Novo millenio ineunte).

La beauté du sacrement de pénitence.

« À cette fin, il est important pour nous de redécouvrir le sacrement de la Réconciliation comme moyen fondamental de notre sanctification ». : « Il est beau de pouvoir confesser nos péchés, et d’entendre la parole qui est comme un baume qui nous inonde de miséricorde et nous remet en chemin. Seul celui qui a ressenti la tendresse de l’étreinte du Père, telle que l’Évangile la décrit dans la parabole de l’enfant prodigue — « il courut se jeter à son cou et il le couvrit de baisers! » (Lc 15, 20) —, seul celui-là peut transmettre aux autres la même chaleur, quand de destinataire du pardon il en devient le ministre ».
N°11 : « Demandons donc au Christ, en cette sainte journée, de nous aider à redécouvrir pleinement, pour nous-mêmes, la beauté de ce sacrement. Jésus lui-même n’a-t-il pas aidé Pierre dans cette découverte? « Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec moi » (Jn 13, 8). Bien sûr, à ce moment-là Jésus ne se référait pas directement au sacrement de la Réconciliation, mais d’une certaine manière il l’évoquait, faisant allusion au processus de purification que sa mort rédemptrice allait engager et que l’économie sacramentelle allait appliquer aux individus dans la suite des siècles ».
« Ayons donc recours avec assiduité, chers prêtres, à ce sacrement, pour que le Seigneur puisse purifier constamment notre cœur en nous rendant moins indignes des mystères que nous célébrons. Appelés à rendre présent le visage du Bon Pasteur, et donc à avoir le cœur même du Christ, nous devons, plus que les autres, faire nôtre l’intense supplication du psalmiste: « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit » (Ps 50, 12). Le sacrement de la Réconciliation, irremplaçable pour toute vie chrétienne, se présente aussi comme soutien, orientation et remède de la vie sacerdotale. »
Voilà un très heureux rappel pour les prêtres

N° 12 : Ne serions-nous pas nous-mêmes raison de la crise que connait ce sacrement dans l’Eglise. Le pape pose la question : « Si la crise du sacrement de la Réconciliation, que je viens de mentionner, dépend de multiples facteurs — de l’amoindrissement du sens du péché à la perception appauvrie de l’économie sacramentelle par laquelle Dieu nous sauve —, nous devons peut-être reconnaître que parfois a pu jouer aussi en défaveur du sacrement un certain affaiblissement de notre enthousiasme ou de notre disponibilité dans l’exercice de ce ministère exigeant et délicat ».
Il conclut ce § 12 par ces mots rappelant que le sacrement de pénitence est la voie ordinaire pour obtenir le pardon des péchés. la forme ordinaire de la célébration de ce sacrement : « Il faut au contraire et plus que jamais le faire redécouvrir au peuple de Dieu. Il est nécessaire de dire avec fermeté et conviction que le sacrement de Pénitence est la voie ordinaire pour obtenir le pardon et la rémission des péchés graves commis après le baptême. Il est nécessaire de célébrer le sacrement le mieux possible, dans les formes liturgiques prévues, pour que soit pleinement conservé son caractère de célébration de la miséricorde divine ».

N° 13. Dans ce §, le pape reprend son idée qu’il développera plus amplement dans la lettre de 2002 sur le fait que s’intensifie dans la société moderne « ce vif besoin de rencontres interpersonnelles …. en réaction à une société anonyme et massificatrice, qui condamne souvent à l’isolement intérieur même quand elle entraîne dans un tourbillon de relations professionnelles ». « Assurément, on ne doit pas confondre la confession sacramentelle avec la pratique d’un soutien humain ou d’une thérapie psychologique. Toutefois il ne faut pas sous-estimer le fait que, bien vécu, le sacrement de la Réconciliation joue sûrement aussi un rôle « humanisant », qui se conjugue tout à fait avec sa valeur première de réconciliation avec Dieu et avec l’Église ».
Le pape dit : »Il est important que, de ce point de vue aussi, le ministre de la réconciliation accomplisse bien sa charge. Sa capacité d’accueil, d’écoute, de dialogue, sa disponibilité jamais démentie, sont des éléments essentiels pour que le ministère de la réconciliation puisse se manifester dans toute sa valeur. L’annonce fidèle, sans jamais aucune réticence, des exigences radicales de la Parole de Dieu doit toujours s’accompagner d’une grande compréhension et d’une grande délicatesse, à l’imitation de l’attitude de Jésus envers les pécheurs ». Il l’expliquera mieux dans sa lettre de 2002.

Du Vatican, le 25 mars 2001, quatrième Dimanche de Carême, en la vingt-troisième année de mon pontificat.
JEAN-PAUL II

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