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Entraide et Tradition

Le psaume 148 du dimanche à Laudes II

publié dans couvent saint-paul le 2 mars 2019


Les psaumes II du dimanche à Laudes

T 3

Psaume 148

La louange de Dieu

Ce psaume 148, comme les deux derniers, 149-150, est, par excellence, un psaume de louange. Toute la création, spirituelle et matérielle, est appelé à louer le Seigneur. Ce psaume doxologique s’adresse en effet à toute la création, animée et inanimée, céleste et terrestre. On retrouve l’esprit du cantique des enfants dans la fournaise, du livre de Daniel, mais plus bref. Il renferme deux parties. , d’étendue à peu près égale, les versets 1 à 6 et les versets 7 à 14. Et d’un développement parallèle. La première partie commence par l’appel à la louange des créatures célestes, animées ou inanimées, anges ou cieux. La deuxième, par l’appel à la louange des créatures terrestres. Toutefois la deuxième partie se termine par le verset 14 qui a trait à la louange « les enfants d’Israël » qui peuvent admirer toute cette création et qui jouissent des bienfaits divins, tout au long de l’histoire. Il faut remarquer que la toute-puissance divine est ici invoquée. Elle est « le principe » de ce chant de louange. Le peuple  doit rendre grâce à Dieu. C’est véritable une hymne d’action de grâce. Rendre grâce à Dieu est un acte éminemment religieux.

Dans une première partie, nous analyserons ce psaume et dans une deuxième partie, nous considérerons les raisons de cette louange, de cette action de grâce. Nous serons  obligés de parler de la vertu de religion, raison de cette louange due.

A-  Le psaume en lui-même.

« Laudate Dominum de caelis, laudate eum in excelsis » « Louez le Seigneur par les cieux, louez le dans les hauteurs »

Louez le Seigneur par une grande louange en raison de la « considération des cieux qu’il a créés «  c’est ainsi que commente Saint Bruno. « Par les cieux » : il faut entendre ici les cieux matériels eux-mêmes et toutes les créatures qui sont en eux, tant rationnelles, comme les esprits célestes, les Anges, qu’irrationnelles comme le soleil, la lune et les étoiles. « Louez le dans les hauteurs » i.e. « en considération des créatures, qui, dans le ciel, sont très élevées, de plus digne nature. Ce qu’il va considérer dans le détail dans la strophe suivante :

« Laudate eum, omnes Angeli eius, laudate eum omnes virtutes eius » « Louez le tous, vous ses anges, louez le toutes ses puissances ».

Saint Bruno commente : « louez-le, ô fidèles, par la considération des anges qu’il a créés si dignes », pure esprit. Mais plus encore : que toutes les puissances célestes, anges et élus, le louent, dans la cour céleste. Saint Jean, dans l’Apocalypse, nous révèle précisément le chant des anges et des élus « tous » occupés à la louange divine : «  Après cela, je vis, et voici qu’une porte était ouverte dans le ciel, et la première voix que j’avais entendue, comme le son d’une trompette qui me parlait, dit :  » Monte ici, et je te montrerai ce qui doit arriver dans la suite.  »
Aussitôt je fus ravi en esprit ; et voici qu’un trône était dressé dans le ciel, et sur ce trône quelqu’un était assis. Celui qui était assis avait un aspect semblable à la pierre de jaspe et de sardoine ; et le trône était entouré d’un arc-en-ciel, d’une apparence semblable à l’émeraude… Autour du trône étaient vingt-quatre trônes, et sur ces trônes vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, avec des couronnes d’or sur leurs têtes. Du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres ; et sept lampes ardentes brûlent devant le trône : ce sont les sept Esprits de Dieu. En face du trône, il y a comme une mer de verre semblable à du cristal ; et devant le trône et autour du trône, quatre animaux remplis d’yeux devant et derrière. Le premier animal ressemble à un lion, le second à un jeune taureau, le troisième a comme la face d’un homme, et le quatrième ressemble à un aigle qui vole. Ces quatre animaux ont chacun six ailes ; ils sont couverts d’yeux tout à l’entour et au dedans, et ils ne cessent jour et nuit de dire :  » Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant, qui était, qui est et qui vient !  » Quand les animaux rendent gloire, honneur et actions de grâces à Celui qui est assis sur le trône, à Celui qui vit aux siècles des siècles, les vingt-quatre vieillards se prosternent devant Celui qui est assis sur le trône, et adorent Celui qui vit aux siècles des siècles, et ils jettent leurs couronnes devant le trône, en disant :  » Vous êtes digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et l’honneur, et la puissance, car c’est vous qui avez créé toutes choses, et c’est à cause de votre volonté qu’elles ont eu l’existence et qu’elles ont été créées.  »
(Chap 4 1-11)

Et c’est la même louange qu’ils adressent  à l’Agneau qui est contemplé « comme immolé », le Christ, le Verbe de Dieu fait chair, Rédempteur par son sang, cloué en Croix, aujourd’hui glorifié : «  Puis je vis dans la main droite de Celui qui était assis sur le trône un livre écrit en dedans et en dehors, et scellé de sept sceaux. Et je vis un ange puissant qui criait d’une voix forte :  » Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ?  » Et personne ni dans le ciel, ni sur la terre, ne pouvait ouvrir le livre ni le regarder. Et moi je pleurais beaucoup de ce qu’il ne se trouvait personne qui fût digne d’ouvrir le livre, ni de le regarder. Alors un des vieillards me dit :  » Ne pleure point ; voici que le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu, de manière à pouvoir ouvrir le livre et ses sept sceaux.  » Et je vis, et voici qu’au milieu du trône et des quatre animaux, et au milieu des vieillards, un Agneau était debout : il semblait avoir été immolé ; il avait sept cornes et sept yeux, qui sont les sept Esprits de Dieu envoyés par toute la terre. Il vint, et reçut le livre de la main droite de Celui qui était assis sur le trône. Quand il eut reçu le livre, les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, qui sont les prières des saints. Et ils chantaient un cantique nouveau, en disant :  » Vous êtes digne de recevoir le livre et d’en ouvrir les sceaux ; car vous avez été immolé et vous avez racheté pour Dieu, par votre sang, des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation ; et vous les avez faits rois et prêtres, et ils régneront sur la terre.  » Puis je vis, et j’entendis autour du trône, autour des animaux et des vieillards, la voix d’une multitude d’anges, et leur nombre était des myriades et des milliers de milliers. Ils disaient d’une voix forte :  » L’Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction.  » Et toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre et dans la mer, et toutes les choses qui s’y trouvent, je les entendis qui disaient :  » A Celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles !  » Et les quatre animaux disaient :  » Amen ! Et les vieillards se prosternèrent et adorèrent [Celui qui vit aux siècles des siècles] (Apo 5 1-14)

« laudate eum, sol et luna, laudate eum, omnes stellae et lumen » « Louez le soleil et lune, louez le toutes  étoiles et lumière »

Notre psalmiste ne considère pas seulement les « créatures de cieux les plus élevées et plus dignes » les anges, les élus, il invoque aussi les créatures célestes moins dignes mais très remarquables aussi par leur beauté et leur majesté : « le soleil, la lune et les étoiles » « admirablement composées par Dieu et il leur dit tout également : « soyez, vous aussi, pour les fidèles une matière de sa louange » (Saint Bruno). Et de fait, il ne fait pas le moindre d’un doute que la beauté du ciel, du « soleil, de la lune et des étoiles », soit raison, pour le cœur humain, de louer Dieu. La contemplation de la création permet d’affirmer la toute-puissance et de l’honorer. C’est ce que dit saint Paul dans son Epître aux Romains : « Ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres. Ils sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ; mais ils sont devenus vains dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence s’est enveloppé de ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous ; et ils ont échangé la majesté du Dieu incorruptible pour des images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles ». (Rom 1 20-23)

« Laudate eum, caeli caelorum, et aquae omnes quae super caelos sunt, laudent nomen Domini » « Louez-le cieux des cieux et que toutes les eaux qui sont au-dessus des cieux louent le nom du Seigneur ».

« Louez-le cieux des cieux… mais aussi les eaux qui sont au-dessus des cieux » : Là, le psalmiste fait allusion au récit de la Genèse qui affirme que, lors de la création, « Dieu sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament d’avec les eaux qui sont au-dessus du firmament » (Gen 1 7). Que les cieux et les eaux louent le Seigneur, i.e. soient « cause de ce que le nom du Seigneur soit loué par les fidèles, i.e. de ce que le Seigneur soit loué par la considération de son grand nom, qui est « Seigneur » et « Créateur », qui apparaît très puissant et admirable en ceci qu’il a créé des eaux non seulement sous le firmament mais aussi au-dessus du firmament » (Saint Bruno).

« Quia ipse dixit et facta sunt, ipse mandavit et creata sunt » « Car il a parlé et ces choses ont été faites, et il a commandé et elles ont été créées »

Dans cette strophe, le psalmiste exprime la raison de cette louange due au Seigneur : « qu’ils louent le nom de Dieu, leur créateur car il a parlé et tout a été fait », qu’ils louent sa puissance, sa sagesse sa providence. On retrouve ici le langage johannique dans son Prologue : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui a été fait ». (Jn 1 1-2) « Omnia per Ipsum facta sunt et sine ipso factum est nihil quod factum est ». A Lui, « honneur et toute gloire » !

« Statuit ea in aeternum et in saecula saeculi, praeceptum posuit et non praeteribit » «Il les a établies à jamais dans les siècles des siècles, il leur a prescrit une loi qui ne sera pas violée »

Ici, le psalmiste parle des créatures inanimées ou privées de raison. « Statuit ea » «Il les a établies à jamais dans les siècles des siècles ». Les œuvres divines sont stables.  Il indique en plus en quoi consiste leur louange, il dit : « elles obéissent à sa parole ».   Par le fait qu’elles remplissent fidèlement leurs fonctions pour lesquelles elles ont été constituées, elles proclament la  louange de celui qui a tout disposé de la sorte, avec sagesse. Ainsi ces créatures obéissent aux lois divines. Le soleil donne sa lumière et préside au jour, la lune et les étoiles président à la nuit en obéissant aux lois divines. Ainsi le glorifient –t-elles. Elles observent les  lois de la nature, les lois naturelles,  qui seront éternellement, à jamais : «  praeceptum posuit et non praeteribit » « il leur a prescrit une loi qui ne sera pas violée ». « Praeteribit » de praetereo, qui veut dire « passer outre, passer, omettre, laisser de côté, négliger, dédaigner »…Heureusement que la nature est fidèle aux lois divines… Et cette fidélité est leur louange au créateur. Si seulement il pouvait en être ainsi des créatures spirituelles ? Mais non. Elles tiennent souvent « la vérité captive dans leur cœur », allant souvent jusqu’au mépris de Dieu et de sa loi. C’est ce que confesse déjà, nous l’avons vu, Saint Paul dans son Epître aux Romains.

« Laudate Dominum de terra » « Louez le Seigneur par la terre »

« Ayant invité les fidèles à la louange de Dieu par la considération des cieux et des choses qui sont en eux », le psalmiste les invite, nous dit saint Bruno, à la même louange par la considération de la terre et des créatures qui sont en elle : « Louez le Seigneur par la terre » i.e. par la considération de la terre créée tout également par Dieu. « De même qu’il a précédemment entendu par les cieux à la fois les cieux eux-mêmes et les choses qui sont en eux, de même, il notifie par la terre à la fois la terre elle-même et les créatures qui sont contenues en elle ». (Saint Bruno)

Il commence par les « monstres marins » : « Laudate Dominm….dracones» « Louez le Seigneur, dragons». La création en est mentionnée dans la Genèse : Gen 1 21.  Puis il poursuit : « et omnes abyssi » « et vous tous les  abymes » «  c’est-à-dire les océans avec leur contenu », ensuite l’atmosphère et tous ses phénomènes, « la foudre », « ignis » et « la grêle » et la neige et la glace, « glacies » et « les vents de tempête » qui accomplissent les volontés de Dieu : « spiritus procellarum quae faciunt verbum eis ». Ici saint Bruno dit qu’elles peuvent être les exécuteurs des juments vengeurs de Dieu : « Ils accomplissent tous sa parole, i.e. son précepte en nuisant à ceux auxquels ils sont contraints de nuire par un juste jugement de Dieu ». Qui, aujourd’hui, dans ce monde matérialiste, voit dans les déchainements de la nature des manifestations de la juste colère de Dieu ? Qui ? Ils ne font que se révolter de plus belle.

Puis la terre et sa production, avec les montagnes et les collines, les arbres à fruits et les cèdres, c’est-à-dire arbres cultivés et arbres des forêts, les cèdres représentant pour le monde hébreux les plus beaux des arbres; enfin les animaux et les hommes.

Vous remarquerez que tandis que les premières strophes  suivaient un ordre décroissant, des anges aux eaux accumulées dans le firmament, cette deuxième partie suit un ordre inverse, allant du monde inanimé jusqu’aux animaux, terminant par  l’homme. Parmi les animaux, notre auteur mentionne ceux qui sont sauvages, bestiaux, puis  tous ceux qui sont domestiques et les oiseaux qui volent dans l’espace. Puis il termine par l’homme : les rois du monde et tous les peuples. Il y ajoute une classification de chaque groupe humain : des chefs, les rois, les princes et les juges et le peuple, il distingue assez naturellement les jeunes hommes, les jeunes filles, enfin les vieillards et les enfants. Tout ce monde est convié par le psalmiste à louer le nom de Dieu car son nom est seul digne d’être exalté. Il s’agit même d’une obligation en justice : au sens de « exaltandus, il  doit être exalté. Dieu doit être exalté en qualité de Créateur et de Seigneur et Ordonnateur de toutes choses et de toute société.

C’est pourquoi sa louange, « confessio », ou mieux sa majesté « majestas » sont dignes d’être portée au-dessus de la terre et du ciel. Comme l’explique saint Bruno, « Etant tout puissant et Seigneur de tout, il est loué par les hommes et les anges ». « Confessio eius super caelum et terram, et exaltavit cornu populi sui » « Sa louange est au-dessus du ciel et de la terre, et il a élevé la puissance de son peuple ».

Dans tout ce psaume, la louange de Dieu a été réclamée de l’univers entier pour ses bienfaits généraux : création, conservation, providence. Ce verset 14 seul s’applique spécialement à Israël. Dieu lui a rendu sa liberté et son indépendance. Il l’a ramené en terre sainte. Il lui a rendu sa force, en brisant la force de ses ennemis. Tout cela doit être un sujet de louange pour tous les enfants d’Israël, pour le peuple qu’il s’est attaché : « appropiquanti sibi ». Dieu est « providence »

A la vérité tous les peuples appartiennent à Dieu et doivent le louer et le servir, mais Israël, plus particulièrement, en raison des tous les bienfaits à lui accordés. Il est le privilégié de Dieu. Dieu a favorisé de son alliance plusieurs fois répétée, ses ancêtres, les patriarches ; il a renouvelé avec le peuple tout entier cette alliance au désert, il lui a confié sa Loi, son sanctuaire et la charge de son culte officiel ; il se l’est donc attaché d’une manière toute spéciale. C’est le sens du « populo appropinquabit sibi ».

B-La vertu de religion.

Ce psaume, ainsi interprété, permet de méditer sur la vertu de religion, du moins en son principe.

Ce psaume, que je viens d’analyser, justifie, me semble –t-il, parfaitement la définition que saint Thomas nous donne de la religion. Saint Thomas écrit : « l’objet de la religion, c’est de rendre honneur au Dieu unique sous cette unique raison qu’il est le principe premier de la création et du gouvernement des choses ». (II II 81 3). La raison de louer Dieu, la raison de lui rendre « tout honneur et toute gloire », c’est qu’il est, nous dit saint Thomas, le principe premier et nécessaire de toutes choses, mieux, principe premier de l’être de toutes choses. Tout être n’existe que par lui. Il est l’être souverain et nécessaire. Rien ne serait sans cet être souverain. Et parce qu’il en est ainsi, la créature doit rendre à « son principe premier » l’honneur qui lui est dû. C’est tout à fait ce que dit le psalmiste. Toutes ces créatures, célestes ou terrestres, il les appelle à louer le Seigneur, parce « qu’il a parlé et ces choses ont été faites, et il a commandé et elles ont été faites. Il les a établies à jamais dans les siècles des siècles, il leur a prescrit une loi qui ne sera pas violée ». Voilà la raison de la religion. La religion est une dette, une dette de justice à l’égard de Dieu. Une dette absolue que nous ne pourrons jamais rendre certes « ad equalitatem », car nous sommes créature et  Dieu est l’être transcendant, l’Acte Pur. Nous sommes dans sa dépendance, vivons nécessairement dans sa dépendance. Lui est au principe de tout être. Comment lui rendre notre dû « ad equalitatem » ? C’est bien évidemment impossible. Toutefois cette louange lui est due et ne dépend en rien de notre cœur. Nous n’avons point à mesurer notre obligation de louange sur l’élan de notre cœur ou sur l’exigence immédiate de notre bien personnel, considérations purement subjectives ; il faut nous en acquitter en raison de l’obligation elle-même de cette dette. Seule considération objective à prendre en compte. Et c’est pourquoi saint Paul a raison de dire que ceux qui n’ont pas voulu reconnaitre la « toute puissance de Dieu » « rendue visible à l’intelligence par le moyen de ses œuvres » se sont rendus injustes « inexcusables » « , puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces »  (Rom 1 20-23). Il s’agit de nous « ajuster » ad alterum, ici à Dieu, selon tout notre pouvoir, même si nous savons que cela ne sera jamais selon tout notre devoir ! Dieu est notre « principe », c’est-à-dire qu’il  est d’abord notre « bienfaisance », i.e. qu’il exerce une juste bienfaisance sur nous, et à ce titre, il bénéficie d’une juste excellence à la mesure même de l’influence exercée : car toute influence et toute bienfaisance suppose une supériorité d’être. Et parce qu’il y a bienfaisance, ne serait-ce qu’au titre de la création, – c’est tout l’enseignement de notre psaume,-  il y a nécessairement gratitude vis-à-vis du principe de toutes choses,  et cette gratitude, c’est-à-dire ce retour qu’exige de nous toute bienfaisance éprouvée, prendra nécessairement l’aspect d’un hommage et d’une soumission même si l’ampleur du don, « l’être », « la création », « l’être surnaturel »… ne nous permet point de songer à rendre l’équivalent. C’est ce qu’enseigne encore le psalmiste lorsqu’il dit : « Que les jeunes gens et les jeunes filles, les vieillards et les enfants louent le nom du Seigneur parce qu’il n’y a que lui dont le nom est élevé ». C’est ainsi que dans la religion nous reconnaissons et proclamons par notre hommage l’excellence de la personne de qui nous dépendons, nous lui rendons, en retour de ses bienfaits ce bien qu’on appelle l’honneur, dont le rayonnement s’appelle la gloire, la « doxa », ce qui convient en propre à l’être excellent qu’est Dieu. « Confessio eius super caelum et terra » « Sa louange est au-dessus du ciel et de la terre » nous dit équivalemment mais d’une manière poétique, notre psalmiste.

En effet à l’égard de Dieu, nous sommes en présence d’une supériorité d’être absolument unique, l’excellence souveraine de « l’Acte Pur », à qui nous devons par conséquent un hommage absolument réservé et distinct de tout autre, parce qu’il est le principe d’être, « principium essendi » et de gouvernement des choses » « gubernationis rerum ». (II II 101 3 , sol 2). Dieu est créateur et c’est ce principe qui nous fait dépendre absolument de Dieu dans notre être et dans notre action. Affirmer la création, le créateur, ne fait que préciser la réalité de notre dépendance totale : l’être est l’effet propre de Dieu et de Lui seul et c’est continument que nous sommes créatures. Et tout notre être est de Dieu, âme et corps, (même si nos parents  sont la cause nécessaire de notre venue à l’existence, mais nullement de notre être). A cela, nous ne pouvons répondre que par un hommage de révérence unique parce qu’elle est mesurée par une souveraine et inaliénable excellence. L’excellence manifestée dans la création c’est celle que Dieu possède en lui-même. Rien n’est dans l’effet qui ne soit dans la cause !Il est l’être même. « je suis celui qui suis «  disait Dieu à Moïse.. Si notre dette, écrit saint Thomas, se mesure à l’excellence autant qu’aux bienfaits reçus, il faut en conclure qu’en ce double aspect, Dieu a rang souverain (II II 10I 1) Et voilà pourquoi nous devons à Dieu un hommage suprême, absolument réservé.

Dieu n’est pas seulement la cause et le principe de notre être, mais tout notre être est en son pouvoir (in potestate ipsius) et nous lui devons tout ce qui est en nous ; aussi est-il vraiment notre Seigneur (Dominus). « Vous m’appelez Seigneur et Maitre est vous dites bien » dit NSJC à ses disciples, quelques heures avant sa Passion… et tout ce que nous faisons  en son honneur prend le nom de service (servitium) et ce service prend en grec le nom de « latria ». Nous sommes dans sa soumission et le service divin. « Je suis l’humble servante du Seigneur », dira Notre Dame. Et ce devoir de soumission nous met encore face à l’excellence suprême de l’être infini. Et requiert par suite l’hommage réservé et total de la religion. Hommage de révérence absolue qui témoigne de l’excellence souveraine de Dieu. C’est ce que laisse entendre le psalmiste dans l’ultime verset du psaume 148 : « Qu’il soit loué (Dieu)  par tous ses saints,  par les enfants d’Israël, le peuple qui s’approche de lui » pour le servir et le louer.

Si je voulais résumer tout cet enseignement sur la religion, je dirais. Ce qui motive notre religion à l’égard de Dieu c’est sa qualité de Principe premier. Dans ce terme nous y découvrons la réalité d’une bienfaisance suprême qui, au double titre de la création et du gouvernement du monde, fonde une dette absolue. Nous y décernons corrélativement l’excellence suprême de l’Etre infini, qui, de cette dette fait avant tout une exigence d’honneur à Dieu réservée et de souveraine révérence –en même temps que de sujétion totale et active à celui qui exerce sur nous un domaine si absolu.. De notre part, tout se résume en un mot : nous sommes créatures. Ne serait- pas là, en ces deux vérités, quoad nos et quad Deum,  l’explication de la perte de la religion en ce monde moderne ?  Il refuse toute sujétion à l’égard de Dieu. Il refuse de se considérer comme Créature. Il est, lui, le maître de la création.

 

 

 

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