Le sacerdoce catholique. Neuvième conférence
publié dans la doctrine catholique le 3 décembre 2010
Neuvième conférence
Domus salutis (6)
Le mystère de la rédemption.
Mais pourquoi le sacrifice de Jésus-Christ ?
Le sacrifice, expression de l’amour du Christ
Dieu pouvait nous relever par pure miséricorde, sans nous racheter ; et même dans l’hypothèse du rachat, où la justice exige un paiement complet, le sacrifice proprement dit n’était pas nécessaire.
S’il est vrai que la rédemption demande une satisfaction, nous avons montré également que celle-ci peut-être équivalente, surabondante même sans aller jusqu’à la souffrance et sans se terminer dans l’immolation. Il y a surabondance de satisfactions, avons-nous dit, lorsqu’une personne divine offre à Dieu, dans une nature créée, raisonnable et libre, des hommages et des réparations proportionnées à l’offense et dignes d’un Dieu. La moindre opération, même celle qui n’exige aucune peine comme la contemplation et la charité, à cause de la valeur personnelle infinie, pouvait satisfaire et surabondamment, pour toutes les créatures.
Pourquoi donc encore s’imposer le sacrifice ?
A- Saint Bernard nous donne deux explications, une dans son petit traité « de l’amour de Dieu » et l’autre dans le « sermon 11 de son commentaire du « Cantique des Cantiques ».
Il dit que le sacrifice du Christ était nécessaire pour arracher enfin un mouvement de charité de notre cœur humain, plus coeur de pierre que cœur de chair. L’acte créateur n’a pas suffi pas pour arracher du cœur humain, un acte d’amour de Dieu ni un acte de reconnaissance. Par son sacrifice, Dieu fit, cette fois, assez pour arracher du cœur humain, un cri d’amour.
« Et si je dois me donner tout entier à Dieu parce qu’il m’a créé, ma dette est beaucoup plus grande parce qu’il m’a recréé d’une façon plus merveilleuse encore. Oui, pour Dieu, cela a été moins facile de me recréer que de me créer. Pour me créer, et pour créer tout ce qui existe, les Livres Saints disent : « Dieu a dit une seule parole, et tout a été fait » (Psaume 148, 5).
Mais celui qui m’a créé par une seule parole a dû faire beaucoup plus pour me recréer. Il a dû faire des choses merveilleuses. Il a dû supporter des choses dures, et non seulement dures, mais des souffrances qui ne sont pas dignes de Dieu. « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a donnés ? » (Psaume 115, 12). Au début, quand Dieu m’a créé, il m’a donné la vie à moi-même. Puis, quand Dieu m’a recréé, il s’est donné lui-même à moi. Et en se donnant lui-même, il m’a rendu la vie. C’est donc une double dette que j’ai envers lui. Ainsi, il m’a donné une première fois à moi-même, puis il m’a rendu une seconde fois à moi-même. Mais que rendrai-je à Dieu qui se donne à moi ? Même si je pouvais me donner mille fois, est-ce que je suis quelque chose, moi, à côté de Dieu ? » (Saint Bernard)
On peut aussi citer le sermon 11 de son commentaire du « Cantique des Cantiques ».
Voici : 7. Quant à la manière de la rédemption, que nous avons dit, si vous vous en souvenez, être l’anéantissement de Dieu, je vous prie d’y considérer aussi principalement trois choses. Car ce n’a pas été un simple, un médiocre anéantissement; mais un anéantissement qui est allé jusqu’à la chair, jusqu’à la mort, jusqu’à la croix. Qui peut se faire une juste idée de cet excès d’humilité, de douceur, de bonté ineffable, qui a porté une Majesté si haute et si souveraine à se couvrir d’une chair, à souffrir la mort, à être déshonorée sur une croix? Mais on dira peut-être: Le Créateur ne pouvait-il réparer son ouvrage sans tant de peines? Il le pouvait, mais il a mieux aimé le faire par les souffrances, afin que désormais les hommes n’eussent plus aucun sujet de tomber dans le vice si détestable et si odieux de l’ingratitude. Sans doute il a enduré beaucoup de travaux, mais ce fut afin de se rendre les hommes redevables de beaucoup d’amour, et pour que la difficulté de la rédemption portât à la reconnaissance ceux à qui la facilité de leur création en avait si peu inspiré. Car, que disait l’homme ingrat, lorsqu’il n’était encore que créé ? J’ai été créé gratuitement, je le confesse, mais mon Créateur n’a eu ni peine ni mal à me former. Il m’a créé comme tous les autres êtres, d’un seul mot. La grande affaire de donner même les plus grandes choses, quand il n’en coûte qu’une parole! Voilà comment l’impiété des hommes diminuait le bienfait de la création, et tirait un sujet d’ingratitude de ce qui devait être la cause de leur amour, et cela pour avoir une excuse dans leurs péchés. Mais la bouche de ceux qui tenaient de méchants discours a été fermée. On voit plus clair que le jour, ô homme misérable, tout ce qu’il en a coûté à Dieu pour te sauver, car il n’a pas dédaigné de se faire esclave de Seigneur, pauvre de riche, chair de Verbe, fils de l’homme de fils de Dieu qu’il était. Souvenez-vous que si vous avez été créés de rien, vous n’avez pas été rachetés pour rien. C’est en six jours qu’il a créé toutes choses, et vous avec elles. Mais il a mis trente ans à opérer votre salut sur la terre. O que de travaux il a soufferts! N’a-t-il pas accru par l’ignominie de la croix, les infirmités de la chair, et les tentations de l’ennemi, et ne les a-t-il pas comblées par l’horreur de sa mort? Aussi était-il nécessaire, Seigneur, que voulant ainsi sauver les hommes et les bêtes, pour user de l’expression de votre Prophète, vous augmentassiez le nombre et la grandeur de vos miséricordes (Psal. XXXV, 8).
Pourquoi le sacrifice du Christ ?
B- Saint Thomas nous livre lui aussi à ce propos une doctrine profonde et originale et fort belle.
Voici.
Pour que la justice soit parfaite, il convient que la réparation vienne de l’humanité ; et, par suite, il ne faudra pas considérer seulement la valeur que la Passion tire de la personne divine qui l’offre, mais, faisant, pour ainsi dire abstraction, un instant, de la divinité, examiner ce qui selon la nature humaine peut-être regardé comme suffisant pour une telle satisfaction, i.e. toutes les douleurs qu’il faudrait subir dans l’hypothèse où il n’y aurait que la nature humaine pour expier.
On trouve cette doctrine thomiste exprimée dans III 46 6 ad 6 : « Le Christ a voulu délivrer le genre humain du péché, non seulement par sa puissance, mais encore par sa justice. C’est ainsi qu’il a tenu compte, non seulement de la puissance que sa douleur tirait de l’union à sa divinité, mais aussi de l’importance qu’elle aurait selon la nature humaine, pour procurer une si totale satisfaction »
“Ad sextum dicendum quod Christus voluit genus humanum a peccatis liberare, non sola potestate, sed etiam iustitia. Et ideo non solum attendit quantam virtutem dolor eius haberet ex divinitate unita, sed etiam quantum dolor eius sufficeret secundum naturam humanam, ad tantam satisfactionem”.
C’est une pensée très touchante qui devrait nous arracher des cris de reconnaissance! Une telle réparation, à cette lumière, demande un sacrfice et des douleurs insondables.
Voici en substance le commentaire qu’en fait le Père Hugo OP
Pour comprendre à quel degré de souffrnace doit aller la satisfaction, considérons ce que fait l’homme par le péché mortel. Il cherche dans le bien périssable une indigne jouissance, qu’il aime jusqu’au mépris de Dieu, jusqu’à ravaler Dieu dans son appréciation, au-dessous de la créature. L’ordre exige donc que celui qui répare subisse une peine sensible en comparaison du plaisir illégitime goûté par le pécheur; et, puisque l’attachement à la créature a été immense, jusqu’au mépris du Crétauer, la douleur subie pour la réparation doit être immense aussi, aller jusqu’au mépris de la nature qui a été choisie pour satisfaire: en sorte que cette nature soit comme brisée et broyée, réduite comme néant, de même que Dieu, dans le jugement et le choix du pécheur a été mis au-dessous du créé, au niveau de rien.
Donc, la satisfaction considérée ainsi, du côté de la nature qui expie, requiert déjà des douleurs effroyables, même s’il ne s’agissait que d’un seul homme et d’un seul péché mortel… Que sera-ce donc s’il faut réparer pour tous les crimes du genre humain tout entier! Puisque le Christ est le représentant universel des hommes et qu’il se substitue à la place de chacun d’eux, sa passion aura quelque chose d’universel…Comme si toutes les souffrances du genre humain s’étaient concentrées en lui seul, qui souffre pour tous à la fois, au point que sa douleur surpassera toutes les autres, en intensité et en étendue, et qu’il n’y aura jamais sur terre une douleur pareille à cette douleur. (III 86 6 et 7)
C- Une autre explication: le sacrifice est la confession de la sujetion de l’homme à Dieu. Le sens du sacrifice du Christ.
Définition du mot “sacrifice” : le sacrifice désigne un acte extérieur de religion par le quel la créature reconnait le souverain domaine de Dieu. C’est la définition donnée par saint Thomas.
L’homme dépend dans son être et son existence essentiellement de Dieu. Il doit donc affirmer pratiquement sa sujétion, cette soumission. Il le fera par cet acte extérieur et sensible: le sacrifice. Par cet acte, il confesse que Dieu a un total droit sur lui. Comment mieux exprimer cette dépendance qu’en offrant ou mieux en détruisant en l’honneur de Dieu, une chose, extérieure et visible, qui sert à son soutien et existence. Ainsi l’homme confesse-t-il sa dépendance, sa sujétion. Et par le fait même, c’est conquomittant, il confesse aussi le souverain domaine que Dieu a sur lui.
L’homme signfie ce souverain domaine de Dieu sur lui , être créé, nullement mieux que par la “déstruction” – et non seulement par l’offrande – par la destruction de la chose qui soutient ou alimente sa vie. C’est la destruction et non seulement l’offrande qui est de l’essence du sacrifice. La sacrifice est la destruction de la chose offerte en manifestation du souverain domaine de Dieu et de la sujétion de la créateur. Le sacrifice implique non seulement une offrande mais une immolation. Le sacrifice est plus qu’une simple offrande…
Et cela est d’autant plus vrai s’il s’agit d’une créature pécheresse qui, par son péché, a voulu ravaler Dieu au niveau du néant. Le péché délibéré contre Dieu est quasi un attentat. Refuser de tenir compte du précepte de Dieu, répondre “je ne veux pas” quand Dieu dit” Je veux”, c’est se mettre à la place de Dieu, c’est vouloir détrôner Dieu de son souverain domaine, c’est décréter la déchéance de Dieu, sa disparition, son anéantissement.
Ce ne serait donc pas trop pour le pécheur d’expier par l’effusion de son sang et même par sa destruction totale son crime de lèse-divinité. En un mot, parce que l’offense est infinie, elle exige de la part de la créature tout ce dont celle-ci est capable en fait d’expiation pénale, par conséquent le dernier supplice, la mort.
Ainsi deux obligations fondamentales sont inclues dans les sacrifices de l’humanité actuelle, i.e. pécheresse : ce sont l’adoration et l’expiation. On offre le sacrifice pour adorer Dieu, souverain Maître, ainsi que pour expier. Nous voyons que le sacrifice a ici deux finalités; la finalité latreutique et la finalité expiatoire.
Cependant Dieu ne veut pas, ne permet pas que notre sang soit versé pour reconnaître son souverain domaine ou pour expier nos crimes. Il faut donc nous subroger une créature inférieure qui sera notre substitut et deviendra victime à notre place.
Pour que nous soyons remplacés plus effectivement dans cette immolation, il faudra réserver comme objets du sacrifice les créatures qui sont comme le soutien de notre existence: tels le pain, le vin, le fruit, les animaux.
On voit que l’idée de substitution et l’idée de destruction vont là aussi ensemble.
Voyez! c’est typique du sacrifice d’Isaac par Abraham.
Et suite à ce sacrifice d’Isaac par Abraham, Dieu renouvela son Alliance avec Abraham. L’alliance apparait être l’effet infaillible du sacrifice.
Parce que l’hommes s’est humilié, Dieu est attiré vers lui, disposé à descendre jusqu’à lui. Parce qu’une hostie de propitiation a été offerte pour le péché, Dieu consent, son seulement à octroyer le pardon, mais encore à admettre dans son intimité le groupement humain qui vient de sacrifier et à contracter un pacte avec lui.
Il en fut ainsi chez le peuple juif:
L’exemple de Moïse: Ex 24 4-8
Ajoutons que, le sacrifice étant l’acte officiel du culte au nom de la société toute entière, il faut pour l’offrir, pour le faire agréer de Dieu, un ministre légitime, représentant la société. Si le sacrifice est la fonction auguste et sacrée par excellence, ainsi que le nom l’indique, sacrum facere, l’expression la plus solennelle de la religion, l’exercice le plus relevé, qui adore et apaise Dieu et fait entrer l’humanité en contact avec son Créteur, le sacrificateur aussi doit être un homme sacré, revêtu d’un caractère divin, ayant pour mission et pour vocation de donner les choses sacrées et divines, en un mot, un prêtre, sacerdos, sacra dans.
Ainsi il apparait clairement que le sacrifice exprime quatre finalités, quatre raisons:
Le sacrifice est d’abord l’adoration expressive qui proclame très haut les droits de Dieu et son souverain domaine, on l’appelle latreutique.
Le sacrifice est une action de grâces pour les bienfaits reçus, il devient eucharistique.
Il attire de nouvelles faveurs sur l’humanité toujours pauvre et qui n’a d’elle que le néant, il est impétratoire
Enfin, dans l’hypothèse de la chute, il offre une réparation pour nos fautes et nous rend favorable le Dieu justement irrité, il devient ainsi expiatoire, satifactoire, propitiatoire. Ces trois termes ne traduisent que des nuances de la même pensée: propitiatoire par rapport à Dieu, dont il nous restitue la faveur; expiatoire par rapport à la coulpe, dont il obtient la rémission; satisfactoire par rapport à la peine et à la dette, dont il est comme le paiement.
Le sacrifice de la Croix.
Pour la foi catholique, c’est un dogme que la mort du Sauveur fut un véritable sacrifice. Et cette foi est tellement fondamentale qu’elle a pénétré toute la liturgie.
§-1 la liturgie.
a-1: La séquence Victimae paschali en est la preuve.
Victimæ paschali laudes (Séquence du Dimanche de Pâques)
1. Victimæ paschali laudes immolent Christiani.
1. A la Victime pascale, chrétiens offrons nos louanges.
2. Agnus redemit oves, Christus innocens Patri reconciliavit peccatores.
2. L’Agneau sauva les brebis, le Christ innocent réconcilia les pécheurs avec le Père.
3. Mors et vita duello conflixere mirando, dux vitæ mortuus regnat vivus.
3. La mort et la vie ont combattu en un duel prodigieux, le maître de la vie mourut, vivant Il règne.
4. Dic nobis Maria quid vidisti in via ?
4. Dis-nous Marie [Magdeleine] qu’as-tu vu en chemin ?
5. Sepulchrum Christi viventis et gloriam vidi resurgentis.
5. J’ai vu le Christ vivant en son sépulcre et la gloire du Ressuscité.
6. Angelicos testes, sudarium et vestes.
6. J’ai vu les Anges témoins, le suaire et les vêtements.
7. Surrexit Christus spes mea : præcedet suos in Galilæam.
7. Le Christ, mon Espérance, est ressuscité, il vous précédera en Galilée.
8. Scimus Christus surrexisse a mortuis vere. Tu nobis victor Rex, miserere ! Amen ! Alleluia !
8. Nous savons le Christ vraiment ressuscité des morts. Roi victorieux, prends pitié de nous ! Ainsi soit-il ! Louez le Seigneur !
La séquence Victimae paschali laudes chante les effets de cette mort triomphale:
-c’est un sacrifice satisfactoire, qui nous rachète : Agnus redemit oves.
-un sacrifice propitiatoire, qui nous réconcilie avec Dieu: Christus innocens Patri reconciliavit peccatores.
a-2: La Préface pascale est aussi claire: “Notre sacrifice pascal c’est le Christ immolé: le voilà le véritable Agneau qui efface les péchés du monde, qui en mourant a détruit notre mort et qui en réssuscitant a réparé la vie”.
Tous les éléments du sacrifice y sont: l’idée de substitution et d’immolation, car le Christ meurt à notre place, pour détruire notre mort; les idées de réconciliation et d’alliance puisqu’il éfface nos péchés et nous rend la vie, la grâce de Dieu, en sa qualité de véritable Agneau pascal.
§-2 le dogme.
Le Concile de Trente enseigne que Jésus-Christ s’est offert à Dieu son Père sur l’autel de la Croix, opérant par sa mort la rédemption éternelle.
Cf Session 22 chapitre 1 et 2.
Concile de Trente – SESSION XXII – 17 septembre 1562
Doctrine et canons sur le très saint sacrifice de la messe:
Pour que l’on garde dans la sainte Église catholique la foi et la doctrine anciennes, absolues et en tout point parfaites sur le grand mystère de l’Eucharistie, et qu’on les conserve dans leur pureté, après avoir repoussé erreurs et hérésies, le saint concile œcumenique et général de Trente, assemblé dans l’Esprit Saint sous la présidence des mêmes légats du Siège apostolique, instruit par la lumière de l’Esprit Saint, enseigne, déclare et décrète ce qui suit, qui doit être prêché aux peuples fidèles, concernant l’Eucharistie en tant que véritable et unique sacrifice.
Chapitre I
Parce que la perfection n’avait pas été réalisée sous la première Alliance, au témoignage de l’apôtre Paul, en raison de la faiblesse du sacerdoce lévitique, il a fallu, Dieu le Père des miséricordes l’ordonnant ainsi, que se lève un autre prêtre selon l’ordre de Melchisédech1, notre Seigneur Jésus Christ, qui pourrait amener à la plénitude et conduire à la perfection tous ceux qui devaient être sanctifiés. Sans doute, lui, notre Dieu et Seigneur, allait-il s’offrir lui-même une fois pour toutes à Dieu le Père sur l’autel de la croix par sa mort2, afin de réaliser pour eux un rédemption éternelle. Cependant, parce qu’il ne fallait pas que son sacerdoce soit éteint par la mort, lors de la dernière Cène, la nuit où il fut livré3, il voulut laisser à l’Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice qui soit visible (comme l’exige la nature humaine). Par là serait représenté le sacrifice sanglant qui devait s’accomplir une fois pour toutes sur la croix, le souvenir en demeurerait jusqu’à la fin du monde et sa vertu salutaire serait appliquée à la rémission de ces péchés que nous commettons chaque jour. Se déclarant établi prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchisédech4, il offrit à Dieu le Père son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin ; sous le symbole de celles-ci, il les donna aux apôtres (qu’il constituait alors prêtres de la nouvelle Alliance) pour qu’ils les prennent; et à ceux-ci ainsi qu’à leurs successeurs dans le sacerdoce, il ordonna de les offrir en prononçant ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi5, comme l’a toujours compris et enseigné l’Église catholique. En effet, ayant célébré la Pâque ancienne, que la multitude des enfants d’Israël immolait en souvenir de la sortie d’Égypte, il institua la Pâque nouvelle où lui-même doit être immolé par l’Église, par le ministère des prêtres, sous des signes visibles en mémoire de son passage de ce monde à son Père, lorsque, par l’effusion de son sang, il nous racheta et nous arracha à la puissance des ténèbres et nous fit passer dans son royaume6. Et c’est là l’oblation pure, qui ne peut être souillée par aucune indignité ou malice de ceux qui l’offrent, dont le Seigneur a prédit par Malachie qu’elle devrait être offerte pure en tout lieu en son nom, qui serait grand parmi les nations7, que l’apôtre Paul a désigné sans ambiguïté lorsque, écrivant aux Corinthiens, il dit: ceux qui se sont souillés en participant à la table des démons ne peuvent participer à la table du Seigneur8, entendant par le mot ´ table ª, dans l’un et l’autre cas, l’autel. C’est elle, enfin, qui, au temps de la nature et de la Loi, était figurée par les diverses images des sacrifices, en teint que renfermant en elle tous les biens que ceux-ci signifiaient, en étant la consommation et la perfection de tous.
Chapitre II
Parce que, dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ est contenu et immolé de manière non sanglante, lui qui s’est offert une fois pour toutes de manière sanglante sur l’autel de la Croix, le saint concile enseigne que ce sacrifice est vraiment propitiatoire, et que par lui il se fait que, si nous nous approchons de Dieu avec un cœur sincère et une foi droite, avec crainte et respect, contrits et pénitents, nous obtenons miséricorde et nous trouvons la grâce d’un secours opportun9. Apaisé par l’oblation de ce sacrifice, le Seigneur, en accordant la grâce et le don de la pénitence, remet les crimes et les péchés, même ceux qui sont énormes. C’est, en effet, une seule et même victime, c’est le même qui, s’offrant maintenant par le ministère des prêtres, s’est offert alors lui-même sur la Croix, la manière de s’offrir étant seule différente. Les fruits de cette oblation – celle qui est sanglante – sont reçus abondamment par le moyen de cette oblation non sanglante ; tant il s’en faut que celle-ci ne fasse en aucune façon tort à celle-là. C’est pourquoi, conformément à la tradition des apôtres, elle est légitimement offerte, non seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres besoins des fidèles vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore pleinement purifiés ».
Ces expressions “s’offrir sur l’autel et jusqu’à la mort” désigne très nettement le sacrifice véritable; et pour mieux préciser sa pensée, le concile ajoute que le sacrifice de l’Eucharistie n’est que la représenttation du sacrifice sanglant accompli une fois sur la croix (Can 3).
§-3 L’Ecriture Sainte.
1- L’Ancien Testament.
Le Serviteur souffrant d’Isaïe: Isaïe 52-53.
Cette prophétie nous montre réalisée dans la mort du Messie toutes les qualités du véritable sacrifice.
Voici d’abord l’immolation totale et volontaire: c’est un innocent qui s’offre pour nous, qui est broyé, transpercé parce qu’il l’a voulu, qui se laisse mener au trépas comme la berbis muette sous le fer qui la tond.
Ensuite, l’idée de substitution: il prend sur lui nos souffrances, il est brisé par nos péchés, il porte nos iniquités pour nous en décharger nous-mêmes, et par ses plaies nous sommes guéris.
Enfin l’idée d’alliance: parce quil s’est offert comme une hostie, il réconcilie le peuple avec Dieu, il justifie des multitudes, il acquiert une psotérité qui prospère devant le Seigneur.
2- Le nouveau Testament.
Sans employer le terme même de sacrifice, le NT énonce tous les éléments qu’il contient.
L’immolation sacrificale est indiquée à maintes reprises.
D’abord dans les passages où NSJC s’applique la prophétie du Serviteur souffrant:
Marc 9 11:”Il est écrit du Fils de l’homme qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé”
Puis dans ceux où il est dit que ses souffrances doivcent aller jusqu’à la mort : Mt 16 21; 21 38. Mc 8 31; 12 7-8. Qu’il doit livrer son âme pour la rançon des hommes (Mt 20 28; 22 31), sa chair pour la vie du monde (Jn 6 52), semblable au pasteur qui donne sa vie pour ses brebis (Jn 10 10-15), dans ceux également où il considère sa mort comme un baptême de sang, comme un calice que son Père lui a comandé de boire (Mt 20 22; 16 37-47) Enfin c’est en propres termes que NSJC parle de son immolation: sanctifico meipsum (Jn 17 19), i.e. je me consacre en vue de mon sacrifice, je me voue à la mort en qualité de victime.
Les trois idées d’immolation, de substitution et d’alliance sont réunies ensemble dans les récits de l’institution de l’Eucharistie.
Dans saint Marc et saint Mathieu, le corps et le sang sont représentés comme séparés, ce qui annonce l’immolation violente de Jésus. Saint Mathieu, en outre, indique explicitement l’idée de substitution et de valeur expiatoire: c’est à la place des hommes et pour la rémission des péchés que le Sauveur est mis à mort, in remissionem peccatorum.
Dans saint Luc et saint Paul, le corps est représenté comme livré et le sang comme versé pour nous, ce qui insinue à la fois et l’immolation et la substitution volontaire.
Enfin dans les quatre récits, la notion d’alliance est exprimée en propres termes; il est dit dans les deux premeirs: Ceci est mon sang de la nouvellle Alliance; dans les deux autres: ce Calice est la nouvelle Alliance dans mon sang.
Il ressort de tout le contexte que le sang de Jésus, versé pour nous, est bien la cause de l’Alliance et que c’est grace à lui que nous sommes réconciliés avec Dieu. On retrouve dans la mort du Sauveur tous les caractères du sacrifice véritable:immolation complète, valeur expiatoire pour la rémission des péchés, valeur propitiatoire qui nous fait rentrer dans l’amitié divine par une nouvelle et éternelle alliance.
Saint Paul:
Saint Paul attribue à Jésus-Christ le titre et la qualité de victime: “Notre sacrifice pascal c’est le Christ immolé” (1 Cor 5 7)
Le Christ nous a aimés et il s’est livré pour nous comme une offrande et une hostie, hostiam, de suave odeur (Eph 5 2)
Il reconnaît à la mort du Sauveur les effets du sacrifice, c’est-à-dire d’être des moyens et un instrument de propitiation pour nos péchés et la cause de notre justification: “Dieu l’ a établi instrument de propitiation pour nos péchés dans son sang (Rom 3 25); nous sommes justifiés dans son sang ( Rm 5 9). L’incise in sanguine suo marque l’immolation et les idées de substitution volontaire, de réconciliation et d’alliance sont contenues dans les termes : propitiationem, justificati.
L’épître aux Hébreux est un grandiose exposé de ce dogme. Le Christ est prêtre, et, à ce titre, il doit offrir un véritable sacrifice, car telle est la fonction spécifique du sacerdoce: Hb 5 1 ; 7 27. La victime qu’il a immolée c’est lui-même sur la croix. Le Sauveur est ensuite comparé avec le pontife de l’ancienne Loi: celui-ci n’entrait dans le Saint des saints que par le sang, après avoir offert des victimes; le Christ, par son sang et après l’oblation de son sacrifice sur la calvaire, entre pour toujours dans le ciel. Le sang des victimes répandu par le grand prêtre ne purifiat que des souillures légales, ad emundationem carnis; le sang du Chrsit lave notre conscience de nos oeuvres de mort et nous consacre au service du Dieu vivant.C’est affiremr et démontrer que la mort du Rdéempteur est un sacrifice plus réel et plus efficace que ceux de l’antique alliance.
Toutes les conditions du scarifice sont signalées:
-immolation sanglante, per propriam sanguinem;
-substitution, car il est pontife pour les hommes et afin des les purifier de leurs péchés;
-réconciliation et alliance, puisque par la vertu de ce sang, les homes sont appelés à servir le Dieu vivant.; et, d’ailleurs, l’épître dit expressément que le sang de Jésus-Christ est le sang de l’alliance (Hb 10 29), le sang de l’alliance éternelle
Saint Jean:
Saint Jean expose en termes rapides et pleins, la réalité et les effets de sacrifice. C’est un eimmolation: le Christ nous a lavé dans son sang (I Jn 1 7; Apoc 1 3); c’est une substitution avec une valeur expiatoire et propitiatoire pour tous nos péchés et pour tous ceux du monde entier (I Jn 2 2); enfin, grâce à elle, le Christ notre avocat nous fait entrer en alliace et en amitié avec le Père (I Jn 2 1).
Le Père Prat (SJ) conclut: “A qui étudie san sparti pris la d=signification de la mort de Jésus dans les synoptiques, dans saint Jean, dans l’épître aux Hébreux, dans saint Paul et les auttres écritys apostoliques, il est impoossible d’ôter à cette mort le caractère de sacrifice et de sacrifice de propitiation. Le Christ mourant est comparé à toutes les victimes de l’ancienne Loi, à l’agneau pascal, au sang de l’alliance et de l’expiation, à l’offrande pour le péché; presque tous les termes du rituel des sacrifcies lui sont appliqués; et la manière dont il parle lui-même de sa propre mort ne permet guère de douter que l’enseignement des apôtres ne rmonte jusqu’à lui. D’un autre côté, la rémission des péchés est constamment mise en rapport avec la mort de Jésus; c’est l’aspersion de ce sang divin qui purifie les âmes; de quelque manière. De tous les textes, il se dégage invinciblement l’idée d’expiation et de propitiation, i>.e. d’une action du Christ qui apaise la colère de Dieu et nous le rend propice et en même temps annule les éffets du péchés . En cela saint Paul ne se distingue pas des autres apôtres, mais il aide à les expliquer comme ils servent eux-mêmes à le comprendre”. (P Prat Théologie de saint Paul p. 283)
La raison théologique.
Fondé sur ces bases scripturaires, largument théologique devient aussi démonstratif qu’il est intéressant.
Que faut-il pour un sacrifce? D’abord une victime sensible. Le Christ est cela par sa nature humaine: il peut bien, à raison de sa divinité recevoir les sacrifices et les adorations, mais l’immolation répugne à une nature qui est l’Invisible, l’Immortalité, la Souveraineté absolue; en révêtant la forme d’esclave, en prenant une chair passible, il s’est fait la matière du sacrifice.
Il faut ensuite l’immolation, pour reconnaître le suprême domaine de Dieu, son droit de vie et de mort, et, dans l’état présent de la nature déchue, pour réparer, par cette sorte de destruction, l’injure faite à Dieu, attendu que le péché grave, attentat contre la vie divine, mériterait l’anéantissement du pecheur. Or quoi de plus efficace, pour rendre ces deux témoignanges, obtenir ces deux résultats, que la passion du Sauveur?
Si un Homme-Dieu subit la mort pour l’humanité, c’est une éclatante démonstration que toutes les créatures, même les plus parfaites, dépendent entièrement duCréateur et souverain Seigneur; si un Homme-Diue se voue au dernier supplice à cause de nos péchés, c’est une preuve que toutes les vies humaines sont incapables d’expier et de satisfaire.
Le sacrifice demande encore que la substitution soit asssez excellente pour que Dieu nous tienne quittes et que ses droits à lui restent saufs…Jésus-Christ, chef et représentant de l’humanité et devenu un seul corps mystique avec nous, comme la tête et les membres, se substitue à nous en tout, pour adorer, mériter et satisfaire. Cette victime d’une dignité infinie offre à Dieu pour nous une compensation surabondante, lui procure plus d’honneur que le péché ne lui a fait d’injure, solde toutes nos dettes, et plus que tout cela, à l’infini.
Enfin, le sacrifice implique une sorte d’alliance entre Dieu et son peuple. La Passion du Sauveur a scellé le nouveau et éternel testament de Dieu avec l’humanité. Les préléminiares en avaient été posés dès le premier instant de l’Incarnation, car Jésus, dès lors fut prêtre et commença l’exercice de son sacerdoce; mais, dans le plan divin, le dernier acte devait être la mort du Christ et c’est alors que l’Alliance devint définitive. Aussi bien, à ce momement unique de l’histoire humaine où un Homme-Dieu subit le trépas, le voile du Temple se déchire dans toute sa longueur (Mt 27 51), indice dramatique que l’ancienne alliance est abrogée et la nouvelle établie, qu’il n’y a désormais plus de séparation entre Dieu et nous et que l’entrée du Saint des saints est ouverte (Rm 7 1-7; Gal 2 19,20 Hb 9 6; 10 19)
Le sacrifice doit être offert par un prêtre, ambassadeur attitré auprès de Dieu: Jésus-Christ, pontife par le sacre de l’union hypostatique, représentant-né des fidèles qui doivent être ses membres, a qualité pour offrir cette hostie qui n’est autre que lui-même. Il est à la fois prêtre, victime et sacrifice….Dans la Passion, les sacrificatuers ne furent pas les bourreaux, dont les actes étaient un crime et un sacrilège; l’unique sacrificateur ce fut Jésus-Christ en se livrant volontairement à la mort et en donnant son sang pour nous. Disposant d’une puissance infinie, qui peut le soustraire à tous ses ennemis, il renonce de plein gré à une vie que personne ne peut lui arracher: c’est donc bien lui qui s’offre, s’immole, fait l’office de prêtre.
Voilà comment la passion du Rédempteur réalise toutes les conditions du véritable sacrifice et comment Jésus est à la fois le prêtre et la victime, le temple et l’autel.
Prêtre et victime, car c’est lui-même qui offre et qui est offert; temple, puisque Dieu habite en lui et est honoré en lui de la manière la plus excellente; autel, car il s’est offert en lui-même et a été arrosé de son propre sang.