Sexagésime
publié dans couvent saint-paul le 5 février 2021
2021
Dimanche de la Sexagésime
« Je me glorifierai volontiers de mes faiblesses, afin que la force du Christ habite en moi ».
« Afin que la force du Christ habite en moi ».
Mais quelle est donc cette force du Christ ? Quel est donc ce Christ en moi? Finalement qui est donc ce Christ pour qui saint Paul et tant d’autres aient donné leur vie?
Voilà la question à laquelle je voudrai aujourd’hui répondre.
Le Christ ? Il fait l’objet du deuxième article du Symbole des Apôtres, de notre Credo. Il est ainsi formulé : « Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur ».
Qui est donc ce Christ ? Il est « Notre Sauveur ». C’est le grand mystère de notre sainte religion. C’est la première affirmation le concernant. Souvenez-vous des paroles de l’Ange aux bergers de la Nativité : Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout le peuple une grande joie : il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur. …. Tout à coup se joignit à l’ange une troupe de la milice céleste, louant Dieu et disant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».
« Un Sauveur vous est né ». Voilà une première affirmation, une révélation capitale. Voilà comment Dieu nous parle de son Fils Jésus. Il est le sauveur.
Que vient-il faire sur la terre « ce sauveur » ? Il vient opérer le salut. Le salut de qui ? Du genre humain. Le « vous » de la parole de l’ange ne laisse planer aucun doute : Ce sauveur est pour les bergers qui représentent ici le genre humain tout entier. « Il vous est né aujourd’hui un Sauveur ». « Aujourd’hui », c’est donc que ce salut s’opère dans le temps. Mais si ce salut qui se réalise dans le temps, dans cet « Aujourd’hui » i.e, sous Ponce Pilate, pendant que Quinrinius était gouverneur de Syrie, nous dit l’Ecriture, Dieu le Père l’a cependant pensé de toute éternité. Ce salut est « le propos éternel de Dieu, antérieur même à la constitution du monde ». C’est dire que Dieu en a seul l’initiative. Ce salut, c’est le mystère du bon vouloir divin et cette volonté divine ne s’est réalisée, ne s’est décidée que d’après son bon plaisir. Saint Paul est formel : Il parle « du libre dessein que s’était proposé sa bonté, pour le réaliser à la plénitude des temps serait accomplie ».
Ce propos sauveur, que Dieu s’est fixé de toute éternité, selon une initiative par conséquent absolument gratuite, a été caché aux siècles et aux générations passées. Saint Paul est encore très clair. Il le dit toujours dans l’épître aux Ephésiens : « (Ce mystère du Christ, i.e. ce salut) n’a pas été manifesté aux hommes dans les âges antérieurs, comme il a été révélé de nos jours par l’Esprit Saint aux saints Apôtres et aux saints prophètes de Dieu » (Eph 3 5). Il est par sa nature même, inconnaissable aux hommes aussi longtemps qu’il n’est pas manifesté ou révélé.
Ce Salut se résume donc en le Christ, qui est, sous ce rapport, la manifestation de la bonté de Dieu.
Ce dessein rédempteur est donc essentiellement un mystère, i.e. un secret, une connaissance réservée à Dieu seul jusqu’à ce qu’il en décide la révélation. Et, nous venons de le dire: ce n’est qu’à la plénitude des temps, à l’âge messianique, qui clôt l’histoire de l’humanité, que Dieu en a décrété l’exécution et la révélation.
Mais quel est donc l’objet, le contenu de ce mystère ? C’est précisément le Salut, c’est-à-dire la Vie Eternelle qui commence dès ici-bas par la connaissance de la vérité et qui est comme une récompense de l’amour que l’on a pour Dieu. Et comment ne pas aimer Dieu qui a conçu pour nous, à notre avantage, un tel mystère, celui de notre Vie Eternelle, celui de notre Salut. Le contenu du mystère c’est le bonheur du ciel et l’ensemble des moyens infiniment variés de miséricorde par lesquels Dieu entend nous conduire à cette rédemption consommée. Mais parmi tous ces moyens , il y a un moyen essentiel, hors de pair, qui est au centre de tout, vers lequel tout converge, c’est le Christ Jésus. A tel enseigne que saint Paul peut résumer le mystère du Salut, au Christ même, à sa personne, à son avènement sur la terre, à son rôle salutaire.
Ainsi qu’est-ce que le Christ me demandais-je au début ? J’ai répondu : Il est Sauveur. Il est donc celui qui m’ouvre le ciel. Il est ainsi en moi, « l’espérance de la gloire ». Le Christ est celui donc qui réalise, qui exécute les desseins salvifiques de Dieu. De fait, si Dieu veut sauver tous les hommes et les faire parvenir au ciel, c’est le Christ qui réalise ce plan, ce vouloir divin.
Mais ce Salut en le Christ ne se limite pas au seul peuple juif. Il est universel. Juifs et Gentils sont l’objet de ce salut. Saint Paul est formel dans son épître aux Ephésiens : les païens sont admis au même héritage que le peuple élu, à posséder les mêmes dons spirituels, à constituer avec eux un même corps, donc à participer à une même Eglise. Ainsi dans son dessein de salut, Dieu a-t-il décrété que le Christ Seigneur serait le centre, le lien vivant, le principe de convergence, d’harmonie et d’unité de toutes les créatures quelles qu’elles soient, terrestres, humaines et célestes.
Ainsi si vous me demandez à la fin de ces considérations ce qu’est l’Evangile des Chrétiens ? Je vous répondrais avec Saint Paul qu’il est « l’Evangile de votre Salut », qui consiste en la Vie Eternelle en Jésus-Christ.
Le Christ est donc la composante du mystère, c’est l’objet même de l’Evangile, le thème essentiel de la prédication, la vérité prêchée par le sacerdoce, la vérité dont l’Eglise a la charge et la garde obligée, que le sacerdoce, dans l’Eglise, met en œuvre. Y adhérer par la foi, c’est s’insérer dans le plan de Salut et obtenir la Vie Eternelle.
Dès lors on ne saurait trop se convaincre que l’objet de la prédication du prêtre ne peut être que de prêcher Jésus-Christ, d’exposer le mystère du Salut opéré par le Christ et dans le Christ. N’attendez pas autre chose du prêtre. Il ne vous prêchera pas d’abord un ordre politique, un ordre social, il ne vous enseignera pas une doctrine syndicale, il ne fera pas avec vous une étude sociologique du monde contemporain. Il vous prêchera d’abord, le Christ. Comme le dit saint Paul : « Qu’il me soit donné d’ouvrir les lèvres et de prêcher avec liberté le mystère de l’Evangile, à l’égard duquel je fais fonction d’ambassadeur »(Eph 6 18-20)
C’est dire aussi que si ce mystère fut un temps « caché » en Dieu, il est maintenant dans l’Eglise révélé au grand jour, depuis le jour de la nativité. Il est aujourd’hui divulgué, publié, mis en lumière, annoncé, manifesté. Il est venu jusqu’à nous, jusqu’à vous, mystérieusement mais essentiellement par l’Eglise, par les apôtres. Vous le recevez dans l’Eglise et par l’Eglise. Et cette révélation est le couronnement du mystère. Car le Christ et sa rédemption ne nous, ne vous sauveraient pas s’ils ne vous étiez pas annoncés. C’est par l’Eglise que vous recevez, que nous recevons la communication de ce mystère sotériologique i.e. de salut. Vous êtes instruits, tous, de ce salut par l’Eglise. L’Eglise contient en effet la révélation du Christ, de l’Evangile. Elle continue cette révélation et prolonge, dans le temps, ce salut. Elle est même le lieu permanent de cette activité salutaire. C’est elle qui, par le baptême, nous a faits fils de Dieu, et nous donnera l’héritage de la gloire. Et nous devons lui en savoir gré et aimer chanter sa gloire.
J’aime l’Eglise et son Christ qui réalise en moi toute sainteté. .
Lisez Eph 1 3-14. Ameen.