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Entraide et Tradition

L’hommage à Jean Madiran

publié dans flash infos le 17 février 2012


Je n’ai pu participer à l’hommage que Michel de Rostolan a voulu rendre, cete année,  à Jean Mariran en lui remettant,  le « Prix Renaissance ». Je l’ai fort regretté. Jean Madiran, par ses nombreux écrits et surtout par sa revue « Itinéraires », et aujour’hui avec « Présent », est au coeur de la catholicité, de la résistance catholique. Il est dans le monde laïc ce que fut Mgr Lefebvre dans le monde clérical. C’est dire son importance.

Au séminaire français à Rome, de 1964 à 1968, j’ai pu resister au modernisme grâce à la lecture régulière d’Itinéraires. Lorsqu’elle fut interdite et que nous ne pouvions la garder dans nos chambres, nous la mettions dans une voiture d’un séminariste ami, et le jeudi à la Pamphilie, nous en lisions, avec avidité, les articles. Ceux de Jean Madiran venaient en premier. Quelle culture! Quelle force d’âme! Quel polémiste! Il ne faisait pas bon de lui tomber dans les mains. L’évêque de Metz, à l’époque, en a su quelque chose…L’archevêque de Bordeaux, aujourd’hui, aussi!

Je m’unis à cet hommage, à ma manière,  en publiant le texte qu’Anne Brassier lut alors qu’on lui remettait le prix.

Prix Renaissance 2012
L’hommage à Jean Madiran

En remettant le Prix Renaissance à Jean Madiran (Présent d’hier), Michel de Rostolan a tenu à souligner qu’il constituait, cette année, « un double hommage : au lauréat, bien sûr, mais aussi à celui qui fut l’inspirateur de l’ouvrage primé, je veux parler de Dom Gérard Calvet ». Avant de poursuivre : « Et je revois avec émotion, alors que nous venions de remettre le Prix Renaissance des Arts en 1993 à Jacques Dufilho, Dom Gérard, apprenant le décès de mon père survenu la veille, demander le silence à une assistance nombreuse et réciter le Je vous salue, Marie. Oui, la vraie grandeur est là, qui sait être simple et directe. Des vertus que nous retrouvons dans l’héritage spirituel de Dom Gérard dont notre lauréat de ce jour, outre ses qualités propres qui sont nombreuses et largement méritantes, a été le messager par l’ouvrage aujourd’hui primé. »

L’abbé de Tanoüarn, qui avait tenu à s’associer à cet hommage, tint à dire, pour sa part, l’importance que la lecture de Jean Madiran avait eue sur sa formation, et sa vocation. Et de souligner que, dans notre civilisation blessée au cœur, nous ne pourrons guérir que lorsque nous accepterons de nous considérer de nouveau comme des héritiers.

Nous reproduisons ci-après l’hommage prononcé par Anne Brassié, et le message adressé par le Père Abbé du Barroux, Dom Louis-Marie. – O.F.

Au fond, tout a toujours très mal marché.

Jacques Bainville avait lu Salluste qui déjà constatait : « Reste-t-il une chose divine ou humaine qui n’ait été polluée ? Le peuple romain, hier encore maître du monde, a été dépouillé de son autorité, de sa gloire, de ses droits ; privé des moyens de vivre, humilié, il n’a même plus, pour soutenir son existence, la nourriture des esclaves. » Ce n’est pas le grand historien Xavier Martin présent ce soir qui nous contredira. Mais la Rome politique morte ouvre la voie à l’avènement de la Rome chrétienne.

Nous dirons donc : tout a souvent mal marché quand Dieu a été banni de la terre mais il y a des instants de bonheur et cette soirée du Cercle Renaissance est l’un d’eux, car nous nous réunissons autour d’un maître, Jean Madiran, que notre cercle veut distinguer.

Ce cercle dont Michel de Rostolan est l’âme s’attache à faire renaître les valeurs culturelles, morales et spirituelles.

Ce fut, Jean Madiran, votre credo et le combat de toute votre vie.

Distinguer un maître : une attitude complètement anachronique en 2012 comme chez Orwell en 1984. Mais voilà nous appartenons à une société qui tient à ses rites.

Et quand tout va mal, que les turbulences succèdent aux tempêtes, les hommes ont plus que jamais besoin d’un capitaine.

Vous êtes ce capitaine, Jean Madiran, votre œuvre philosophique, vos chroniques religieuses et politiques nous ont guidés au milieu des périls.

Chacun de vos livres est une réponse, vous soulignez les hauts-fonds ou les rochers qui affleurent à la surface de la mer, lesquels, si le bateau ne les évite, le feront couler. J’ai eu 19 ans en un temps où les professeurs de Nanterre acceptaient de quitter l’estrade pour laisser parler des marionnettes, où les philosophes étaient jetés dans une poubelle…

Voir ses maîtres se déconsidérer est une souffrance que je ne souhaite à personne. Vous comprenez mieux ainsi l’onde de bonheur qui m’a submergée quand un véritable maître s’est présenté à mes yeux.

Né en 1920, vous bénéficiez d’une instruction philosophique et d’une éducation qui vous permettent de comprendre les conséquences des lois de 1905, de la condamnation de l’Action française en 1926, l’épuration politique et religieuse de 1945 et la victoire militaire du marxisme. Le catholique traditionnel devient ce pelé, ce galeux d’où venait tout leur mal. Proche de Charles Maurras, sa pensée arme la vôtre et son souffle de résistance fait naître le vôtre.

A une époque où les idéologies imprègnent chaque seconde de notre vie, vous rappelez l’ordre naturel. A une époque où le matérialisme s’abat sur le monde, vous rappelez qu’il y a un ordre surnaturel. Et vous allez de l’un à l’autre, inlassablement de livre en livre, de chronique en chronique. Vous démontrez combien cet ordre naturel est nécessaire, qu’en le bafouant on risque gros et que cet ordre est éternel. La famille, la patrie, le respect du Créateur ne se bafouent pas impunément. La culture sans le culte est un déchet. Les expositions d’art contemporain et certaines pièces de théâtre sont la preuve de la justesse des propos de Hermann Hesse. Merci M. l’abbé de Tanoüarn. Or nous sommes abrutis de lois, les fameux droits de l’homme sans Dieu, qui éradiquent l’ordre naturel. Même Philippe Bouvard s’en inquiète dans le Figaro Magazine : « La future famille française selon saint François de Corrèze : deux hommes qui, au sortir de la mairie, iront à l’hôpital afin de débrancher la vieille mère. » Les lois sur l’avortement, le divorce, l’euthanasie, etc., pleuvent, ce que vous appelez le TNC, tout contre nature.

Mais regardons comment dans l’Antiquité l’ordre naturel était respecté et prenons un exemple précis, celui des funérailles. Souvenons-nous : dans l’Iliade les Grecs honorent les morts au combat aux pieds des murailles de Troie, et les enterrent ensemble, qu’ils soient grecs ou troyens. Des siècles plus tard le général Franco fit de même et construisit une nécropole immense où tous les combattants de la guerre civile reposent ensemble, l’extraordinaire Valle de los Caidos. Une amnistie fut décrétée afin que l’esprit de vengeance s’éteigne. Que voulut faire la gauche espagnole ? Abroger cette loi de paix civile sans laquelle les peuples ne peuvent vivre ensemble et interdire la visite de cette nécropole où des milliers d’Espagnols se rendent chaque année. Seuls les moines de l’abbaye construite par Franco – il y envoyait les membres de son gouvernement suivre les exercices de saint Ignace chaque année… – seuls ces moines résistèrent et exigèrent l’entrée libre pour la messe quotidienne de 11 heures. Des fonctionnaires vous interrogent donc à l’entrée pour savoir si vous allez bien à la messe. Les républicains et les athées sont bien obligés de répondre affirmativement. Sentiment de victoire du visiteur catholique et rappel que l’ordre naturel dépend de l’ordre surnaturel.

Autre exemple, celui d’Antigone à qui des lois non écrites et immuables réclament d’enterrer son frère malgré la loi civile de Créon. Non, M. Chirac, les lois civiles ne sont pas au-dessus de la morale.

Rapprocher ces exemples permet de rappeler combien les rites mortuaires signent une civilisation et que nos pays occidentaux passent aujourd’hui loin derrière d’autres peuples que l’on dit primitifs mais qui sont infiniment plus respectueux de leurs morts. Eux ne seront jamais des barbares… Dernier exemple : des médias qui se permettent de consacrer des heures entières à la mort d’un photographe en Syrie et traitent en trois minutes celle de quatre soldats, perdent le nord et notre estime à jamais.

Vous nous avez appris aussi ce qu’étaient l’ordre surnaturel et l’enseignement de l’Eglise. « Dieu premier servi » est la devise de Présent. Vous nous avez fait découvrir l’immense sagesse de nos papes et la profondeur de leurs encycliques. Sans vous, saint Pie X et Pie XII me seraient restés inconnus. Ils ne sont vraiment plus à la mode. Si tous ceux qui sont chargés de l’éducation faisaient étudier l’encyclique de saint Pie X de 1907 Pascendi Dominici Gregis, nous n’en serions pas là. Nos jeunes comprendraient pourquoi le mépris du passé et de la tradition est bêtise absolue, pourquoi l’adoration aveugle et irrationnelle du futur, la croyance au progrès fatal et continu, un danger.

J’avais un merveilleux père, médecin de son état, dont les études étaient encore pétries d’humanités grecques et latines, qui me répétait sans cesse la même chose que ce pape. Mais il n’avait pas lu cette encyclique et son message passait difficilement d’autant plus que je subissais l’influence d’un collège qui préféra nous faire lire Teilhard de Chardin plutôt que saint Pie X. Heureusement j’avais la tête dure et une certaine incapacité à comprendre ce qui ne semblait pas naturel. Et la providence m’a envoyé une seconde chance de comprendre en vous lisant.

La condamnation du modernisme de saint Pie X n’est pas une condamnation de plus dans une longue liste d’interdits. Elle permet de prendre conscience de la révolution commencée en 1789 et qui s’épanouit au XXe siècle, révolution dont le but est de substituer l’Homme à Dieu en faisant de l’homme la mesure de toutes choses, c’est-à-dire une bien petite mesure. Et cela à la ville comme à l’église. Ecoutons encore saint Pie X le 25 août 1910 :

« La civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété. »

Une autre encyclique, de Pie XII, Humani Generis, est sous-titrée : « De quelques opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements mêmes de la doctrine catholique ». Elle annonce en 1950 toutes les dérives de Vatican II. Dans cette encyclique, Pie XII mettait en relief l’attitude que devait avoir le fidèle à l’égard de la vérité (philosophique et religieuse) : Dieu, Souveraine Vérité, a créé l’intelligence humaine et la dirige, il faut le dire, non point pour qu’elle puisse opposer chaque jour des nouveautés à ce qui est solidement acquis, mais pour que, ayant rejeté les erreurs qui se seraient insinuées en elle, elle élève progressivement le vrai sur le vrai selon l’ordre et la complexion même que nous discernons dans la nature des choses d’où nous tirons la vérité.

Il nous fallait un maître pour nous permettre d’accéder à ces textes. Vous avez été ce maître et nous vous remercions.

M. l’abbé de Tanoüarn qui nous fait l’honneur de sa présence, disait, la semaine passée, toute sa reconnaissance à votre personne à la fin de son émission à Radio Courtoisie. La plupart des jeunes prêtres de la Tradition vous ont lu avec soif et gratitude et vous ont remercié ainsi. Brasillach puis La Varende m’ont conduite dans votre jardin des lettres, mais je n’aurais sans doute jamais créé de salons du livre ni combattu pour le château de Versailles ni entamé une campagne invitant à fleurir les statues de Jeanne d’Arc à travers toute la France si je ne vous avais pas lu, jour après jour défendant le beau, le vrai et le bien.

Vous avez instruit mais vous avez aussi ramené des brebis à la foi. Un habitant de Haute-Savoie à Monnetier sur le Salève m’avait confié combien il vous devait, à vous qui l’aviez remis sur le chemin de l’Eglise.

Ce combat vous l’avez mené contre le communisme car vous aviez très tôt compris que la grande affaire du siècle est politico-religieuse, que le communisme athée veut s’imposer par la domination politique et faire disparaître tous ses opposants.

« Le communisme, écrivez-vous, dispute au Christ les pauvres, les humbles, les pécheurs, pour lesquels Il est venu. » Et : « L’athéisme n’est pas un regrettable accident de la doctrine économique du marxisme : c’en est le cœur, et la clé. La conséquence est que l’homme est écrasé par la collectivité ; il devient le rouage d’un mécanisme. » Et cela marche puisqu’on fait croire à chacun qu’il construit le paradis sur terre.

En citant les accords de Metz vous révélez la première collaboration que notre siècle ait connue, celle de l’Eglise et du communisme. Une Eglise qui ne condamne pas cette idéologie est une Eglise qui divague.

En septembre 1962, à Metz, le cardinal Tisserant et Mgr Nicomède, représentant de l’Eglise orthodoxe russe, ont conclu un accord : les orthodoxes russes répondraient à l’invitation d’envoyer des observateurs au concile Vatican II qui devait s’ouvrir « à la condition de garanties en ce qui concerne l’attitude apolitique du concile ». Que signifie hypocritement et mensongèrement une attitude apolitique ? C’est le silence sur la perversion du système et donc l’enfouissement des encycliques passées.

Vous martelez qu’une organisation ecclésiale qui copie l’organisation communiste n’est pas celle de l’Evangile. Que les droits de l’homme sans Dieu non combattus par l’Eglise entraînent des conséquences terribles. Et que l’orgueil de nos contemporains en ne s’agenouillant plus les conduit à des comportements que les Grecs avaient jugés dangereux dès le récit d’Icare.

Les titres de livres sonnent comme des avertissements :

— Ils ne savent pas ce qu’ils font

— Ils ne savent pas ce qu’ils disent

— On ne se moque pas de Dieu

— La vieillesse du monde, essai sur le communisme

— L’Hérésie du XXe siècle

— Les droits de l’homme sans Dieu

— Quand il y a une éclipse

Vous trouvez encore le temps de nous inciter à la lecture de saint Thomas d’Aquin, de Maurras et de Brasillach.

Vous créez votre belle revue Itinéraires en 1956 où vous rejoignent les esprits libres du temps, Gustave Thibon, Henri Pourrat, Marcel De Corte, Gustave Corçao, Louis Salleron, Michel de Saint Pierre, Jacques Perret, Henri et André Charlier. Et vous lancez un cri d’alarme fin 1969. La messe traditionnelle est interdite dans les faits non dans les écrits mais la réalité s’impose. Vous réclamez alors depuis ce jour : « Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe. » Cela va exaspérer les évêques qui se prenant pour le pape condamnent la revue. A partir de ce moment vous êtes rayé des cadres. Vous n’existez plus. Votre nom n’est jamais cité. C’est la méthode communiste d’élimination.

Mais vous existez tant et si bien que vous créez un quotidien en 1982 avec Pierre Durand et Bernard Antony, véritable organe de combat, appuyé par le Centre Henri et André Charlier et Chrétienté Solidarité.

Philosophe chrétien, vous ne vous êtes pas contenté de réfléchir sur les causes, les fins et les principes ; vous vous êtes astreint à ausculter, jour après jour, les maux qui affectent l’Eglise et la société, à dénoncer les défigurations subies par la nation française, l’imposture d’une laïcité devenue totalitaire, l’imprégnation marxiste de la pensée dominante, les dangers d’une expansion musulmane qui ne trouve guère devant elle que des volontaires pour la dhimmitude. Vous ne vous êtes pas réfugié dans une confortable tour d’ivoire : vous avez pris plus que votre part des combats de votre temps. Parce qu’il y avait péril en la demeure. Crise dans l’Eglise et dans la société.

Georges-Paul Wagner dira finement que vous savez commenter les événements de la veille et tenir la veille sur les événements.

Pourquoi votre enseignement dans Itinéraires d’abord puis dans Présent fut-il si efficace ? A cause de votre style. Michel De Jaeghere l’explique parfaitement :

« Virtuose de la langue française, Jean Madiran n’a pas son pareil pour décortiquer la déclaration imbécile d’un éditorialiste, d’un politicien, d’un évêque. Montrer les conséquences absurdes ou délétères des slogans convenus, des déclarations à l’emporte-pièce, des paresseuses habitudes de pensée de la modernité. Il les examine avec une méticulosité jubilatoire, se jouant de sa victime avec les délices d’un chat examinant sous tous les angles la souris qu’il vient de capturer. C’est souvent savoureux, parfois cruel, toujours libérateur. Jean Madiran défie sur son propre terrain la police de la pensée avec un humour digne de Beaumarchais. Il fait plus que cela. Dans le déluge du mensonge et de la médiocrité, on a le sentiment, à le lire, d’avoir le rare privilège d’être épaulé, soutenu, par un maître qui vous aide à voir, à réfléchir, à penser. La lueur fugitive d’un phare dans la nuit. »

Votre insolence aussi réjouit le lecteur : « J’accepte de recevoir l’étiquette de droite uniquement parce qu’on me la donne, et que tout le monde a une peur comique d’accepter cette étiquette-là ; on me la donne et je la reçois, et je l’accepte et je la garde et même pour mieux la garder je m’assois dessus. »

Dans ce combat vous n’avez qu’un ennemi et il est en face. Dans les crises successives que connaissent toutes les familles vous ne voyez qu’un ennemi, et il est en face, le communiste et son esclave, le démocrate chrétien que le diable instrumente à plaisir pour mieux diviser, mais jamais le frère d’armes qui a posé un acte de guerre. Restaurer l’amitié française est votre seul but. Faire en sorte que les Français recommencent à s’aimer et cessent de se battre la coulpe pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.

Le livre distingué ce soir, Une civilisation blessée au cœur, vous l’avez écrit à la demande de votre frère d’arme, le père abbé fondateur du monastère bénédictin du Barroux, Dom Gérard. Ce livre stigmatise la cause du drame contemporain : l’absence de piété filiale. Ne pas honorer ses morts, ses parents ni ses maîtres, telle est la faute suprême, faute qui ne reste jamais sans conséquences. « Honore ton père et ta mère pour vivre longuement sur la terre », nous demande le Décalogue. Jean Madiran est notre Platon. C’était il y a vingt-cinq siècles :

« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire leurs enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne alors, c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. »

Le cas d’école choisi par le livre de Jean Madiran est l’Afrique et ses turbulences. Lénine, nous rappelez-vous – non : nous apprenez-vous, parce que l’on ne l’avait jamais su, avait clairement annoncé l’un des objectifs du communisme en vue d’abattre l’Occident : il fallait détacher les colonies de ses colonisateurs et les retourner contre lui. Ainsi sont nés tous les mouvements de libération laissant espérer des lendemains chantants. Lesquels ne sont pas arrivés. Le pape Pie XII avait prévenu dès 1955 : ce ne sont pas les colonisateurs qui ont abîmé l’Afrique. Ces derniers respectaient les structures claniques, la hiérarchie africaine et son respect absolu du vieillard qui dirigeait le village et maîtrisait la jeunesse. Il faut lire Les derniers rois mages de Paul del Perugia pour comprendre l’autorité ancienne des rois du Rwanda et l’harmonie qui en découlait pour les Rwandais avant que les idées démocratiques, tel un virus, viennent mettre à feu et à sang ces peuples. Pie XII recommande aux Africains de reconnaître à l’Europe le mérite de leur avancement. Sans cela ils pourraient être entraînés par un nationalisme aveugle dans un chaos sanglant. La prophétie était exacte.

Même Mauriac, l’anti-colonial notoire, est obligé de reconnaître que, si tous les Européens n’ont pas été aussi blancs qu’ils auraient dû l’être, « ils ont donné à bien des Noirs la révélation de la valeur absolue d’une seule âme ».

Les colonies, dites-vous encore, qui se révoltent contre leurs pères, ne peuvent jamais grandir et se développer de façon harmonieuse. La jeune Amérique qui, à l’exception de certaines élites, se croit tellement supérieure à la vieille Europe, aurait intérêt à se remettre à son école, apprendre la mesure et la notion du bien commun concrètement plus utile que tous les slogans de la démocratie.

Quelle joie doit être la vôtre aujourd’hui puisque l’avenir vous donne raison. Vos analyses sont reprises au plus haut niveau de l’Eglise. Oui, il faut analyser le Concile Vatican II à la lumière de la tradition. Non, un concile pastoral n’a pas les mêmes effets qu’un concile dogmatique. Itinéraires voit le jour l’année de l’écrasement de la Hongrie par les Soviétiques, sans réaction de l’Occident. Aujourd’hui la Hongrie donne des leçons de christianisme à l’Europe en inscrivant Dieu dans sa constitution. L’Ecriture, le catéchisme et la messe n’ont été rendus qu’à un petit nombre… mais le motu proprio a éclairci notre horizon. C’est le sujet de votre dernier livre paru, Dialogues du Pavillon bleu. Ne pavoisons pas, il reste quelques points à régler comme ces derniers scandales : le curé de Saint-Séverin vient de refuser la messe à la mémoire de Robert Brasillach, Maurice et Suzanne Bardèche, le 6 février. Des paroissiens auraient manifesté leur refus… Refuser de dire une messe pour les morts, toujours le même signe de maladie grave de notre pays. Il y en a d’autres, vous les connaissez. Bien des mensonges pourrissent la vie publique et l’esprit de la France parce que selon votre maître Maurras : « Une erreur et un mensonge qu’on ne prend point la peine de démasquer acquièrent peu à peu l’autorité du vrai. »

Il vous avait dit : « Si vous êtes catholique ne le soyez pas à moitié. » Vous l’avez été pleinement à chaque seconde de votre vie.

Comme les premiers chrétiens vous ne cessez de briser les idoles de notre temps. Et cette activité semble vous réussir. Vous cheminez, le sourire aux lèvres, imperturbablement, l’esprit dur mais le cœur tendre, la main dans la main de la petite Espérance.

Péguy nous a prévenus : « La plus dangereuse invasion est l’invasion de la vie intérieure. » Vous l’avez défendue. Il dit aussi : « Demander à Dieu la victoire sans se donner la peine de combattre, je trouve que c’est mal élevé. » Vous avez été très bien élevé. Vous avez combattu, beaucoup combattu, derrière vous se sont rangés des hommes d’armes comme des femmes et Dieu donnera la victoire.

Entrez, cher Jean Madiran, dans ce cercle des grands écrivains qui ont bataillé pour la renaissance de notre pays comme Jean Raspail, ici présent, comme Xavier Martin, Virgil Gheorghiu, Henri Vincenot, Jean de Viguerie, Gustave Thibon, François Georges Dreyfus, Reynald Secher, Denoix de Saint Marc, François-Marie Algoud, Ghislain de Diesbach, Dominique Venner.

Et soyez remercié de votre combat intellectuel et spirituel en recevant le prix Renaissance 2012.

Anne Brassié

Article extrait du n° 7538
du Samedi 11 février 2012

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