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Les psaumes du dimanche à Sexte Psaume 118 G

publié dans couvent saint-paul le 8 mai 2019


Les psaumes du dimanche à Sexte

T 6

Psaume 118 G

 

Ce psaume 118 G est une merveilleuse méditation de l’âme sur la loi de Dieu, sur la Révélation, mais surtout sur les bienfaits que sa possession engendre en l’âme qui la contemple et la médite. Elle engendre l’amour en l’âme, la sagesse, l’intelligence, le belle agir moral, la fidélité, la bénignité, la répulsion du mal, la lumière de l’âme, la stabilité ferme, l’humilité, la louange, la constance, la méfiance à l’égard du mal, la piété filiale, le désir de la vie éternelle.

Tels sont les bienfaits, les fruits, si vous préférez,  que la possession et la méditation de la loi de Dieu et de sa charité immense – sunt idem –  engendrent en l’âme. Chaque strophe de ce psaume exprime tour à tour ces fruits, ces bienfaits.

Et tout d’abord, le psalmiste commence par une affirmation générale. Il affirme l’amour de la loi divine, et sa Révélation :

« Quomodo dilexi legem tuam, Domine ? tota die meditatio mea est » « Que j’aime votre loi, Seigneur! Elle est tout le jour le sujet de ma méditation »

Et en effet comment ne pas aimer cette loi divine qui est l’expression de sa charité: « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3 16). C’est le résumé de tout notre évangile. On ne peut pas ne pas penser ici au « traité de l’amour de Dieu » de saint Bernard pour commenter cette strophe. Saint Bernard considère en quelques chapitres brefs, cet amour divin et affirme que l’âme ne peut pas ne pas aimer Dieu en retour. Il parlera de la « redamatio » : l’amour humain vis-à-vis de Dieu est aussi une affaire de justice. Mais n’allons pas trop vite. Considérons ce mystère de la charité de Dieu que j’aime, que je dois aimer.

Saint Bernard se pose tout d’abord la question du « pourquoi » et du « comment » aimer Dieu. « Tu me demandes de te dire pourquoi il faut aimer Dieu et comment? Je te réponds: la raison d’aimer Dieu, c’est Dieu lui-même ! La mesure de cet amour, c’est de l’aimer sans mesure » C’est ce qu’exprime aussi merveilleusement, dans cette première strophe, notre psalmiste.

Saint Bernard insiste : « Je crois qu’il faut dire qu’il y a deux raisons d’aimer Dieu pour lui-même: – d’abord rien n’est plus juste. – ensuite rien ne peut être aussi avantageux pour nous. »

Tout le mystère de la Rédemption en est la preuve ; là, sur la Croix, Jésus a vraiment mérité notre amour. En conséquence aimer Dieu est une affaire d’abord de justice. La définition de la justice est de rendre à chacun son dû. A Dieu est du notre amour parce qu’il l’a largement mérité en sa Passion douloureuse. Ce serait une injustice que de ne pas l’aimer de retour…après tout ce qu’il a fait pour notre salut. Plus je médite l’amour de Dieu…plus je comprends que je dois l’aimer. Je ne peux pas ne pas l’aimer. On comprend l’exclamation du psalmiste : « Que j’aime votre loi, Seigneur ! Elle est tout le jour le sujet de la méditation ». « Que je vous aime, Seigneur ». Ce doit être aussi la prière du prêtre !

Mais Il faut aussi aimer Dieu pour l’avantage que nous en retirons. Dieu, étant ce qu’il est, rien ne peut être plus avantageux, plus profitable à mon âme. Parce que Dieu est le bien suprême qui comblera mon âme de joie. Dieu est si bon, disait saint Louis, « que meilleur ne se peut ».

En deux mots, il faut dire que Dieu est tel qu’il est juste d’être aimé et que cela ne peut pas ne pas être profitable à mon âme.

Quant au « comment », en latin au « modus », la  réponse de saint Bernard est merveilleuse : « La mesure de cet amour, c’est de l’aimer sans mesure » : « Modus, sine modo diligeri ». C’est aussi ce qu’affirme le psalmiste dans cette acclamation : « Quomodo dilexi legem tuam, Domine ? Tota die meditatio mea est ».

Lisons quelques phrases de saint Bernard sur l’amour divin :

« Voici pourquoi Dieu est digne de recevoir beaucoup d’amour de nous: il s’est donné à nous, même quand nous n’étions pas dignes de lui (Galates 1, 4). Est-ce qu’il pouvait nous donner quelque chose de meilleur que lui-même ! Nous cherchons les raisons d’aimer Dieu et nous nous demandons: pourquoi Dieu a-t-il droit à notre amour ? C’est, tout d’abord, parce que « Dieu nous a aimés le premier » (1 Jean 4, 9). Vraiment il mérite que nous l’aimions en retour. C’est clair, surtout si nous nous posons ces trois questions : -Celui qui nous aime, qui est-il ? -Ceux que Dieu aime, qui sont-ils ? – Quelle est la mesure de son amour ?Celui qui nous aime, qui est-il ? : C’est celui que tout être humain reconnaît en disant : « Tu es mon Dieu parce que tu n’as pas besoin de mes biens » (Psaume 15, 2). Oui, l’amour que le Dieu Très-Haut nous porte est un amour vrai. En effet, il ne cherche pas son intérêt (1 Corinthiens 13, 4-5). Et pour qui Dieu est-il si généreux ? L’apôtre Paul le dit: « Quand nous étions les ennemis de Dieu, il nous a réconciliés avec lui » (Romains 5, 10). Donc, Dieu a aimé ses ennemis d’un amour gratuit.

Enfin, quelle est la mesure de cet amour ?

L’apôtre Jean nous le dit: « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jean 3, 16). L’apôtre Paul écrit aussi : « Même son Fils, Dieu ne l’a pas gardé pour lui, mais il l’a donné pour nous tous » (Romains 8, 32). Et le Fils dit en parlant de lui-même: « Si quelqu’un donne sa vie pour ses amis, c’est la plus grande preuve d’amour » (Jean 15, 13). Voilà ce que le Dieu juste a fait pour des pécheurs! (Romains 5, 6-7) Voilà ce que le Tout-Puissant a fait pour nous qui sommes si faibles… »

Ainsi affirmons que l’amour de Dieu est la cause première de l’Incarnation Rédemptrice : « c’est d’un tel amour que Dieu nous a aimé qu’Il a donné son Fils unique ». Mais il faut dire également qu’elle la cause finale de l’Incarnation Rédemptrice : « …afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ». Et c’est en ce sens que cet amour divin est quelque chose d’immensément profitable à mon âme.  « Prior dilexit nos » : il est donc digne d’être aimé en retour : « Dignus plane qui redametur ». Retenons !

Saint Bernard  affirme ici la « redamatio » de la vie chrétienne : « Mieux on comprend qu’on est aimé et plus il est facile d’aimer ».

Saint Bernard parle ici du «glaive de l’amour », de la « morsure » de cet amour. En effet « le glaive d’amour » est engendré de la contemplation de l’amour de Dieu. Et quel amour ! C’est ce que saint Bernard  exprime dans cette phrase : « (L’Eglise) elle voit le Fils unique du Père portant sa croix…. »  Elle voit tout cela, toute le déroulement de la Passion  et « le glaive de l’amour lui transperce le cœur si profondément qu’elle s’écrie…je meurs d’amour ». N’est-ce pas ce que dit équivalemment le psalmiste : « Que j’aime votre loi, Seigneur », la loi, ici, étant le « plan divin le salut des âmes.

Elle médite aussi sur les fruits de la Passion : « Elle voit enfin morte la mort, l’auteur de la mort traîné derrière le char du triomphateur. Elle voit la captivité captive ; elle s’aperçoit que la terre, qui sous l’antique malédiction ne produisait plus que ronces et chardons, refleurit sous l’effet d’une nouvelle bénédiction qui la rajeunit ». Tout cela est bien profitable à l’âme contemplative !

Saint Bernard a cette belle phrase : « L’époux céleste accourt avec empressement et réside avec délice en un lieu où la grâce de sa Passion et la gloire de sa Résurrection sont l’objet d’une constante méditation ». (chap 3)

C’est pourquoi  « Si nous désirons que le Christ se fasse souvent notre hôte, nous devons conserver dans notre cœur les témoignages fidèles de sa mort miséricordieux et de sa glorieuse résurrection ».

Le psalmiste s’exprime équivalemment lorsqu’il dit : (cet amour divin) est tout le jour le sujet de ma méditation » « tota die meditatio mea est ».

« Super inimicos meos prudentem me fecisti mandato tuo, quia in aeternum mihi est » «Vous m’avez rendu plus sage que mes ennemis par vos commandements car ils sont ( ces commandements) perpétuellement avec moi ».

Avec cette deuxième strophe, le psalmiste commence à méditer sur les bienfaits en l’âme du fidèle de son amour de Dieu. Et tout d’abord le fidèle connait la  sagesse : «Vous m’avez rendu plus sage que mes ennemis par vos commandements car ils sont perpétuellement avec moi ».

Saint Bernard pourrait commenter justement en disant dans son traité de l’amour de Dieu: « Quel peut-être l’effet d’une attention tournée vers une miséricorde si grande et si imméritée, d’une bonté inespérée, d’une douceur invincible et inattendue ? Quel est, dis-je, l’effet de cette contemplation attentive, sinon d’arracher l’âme à tout amour pervers, de la ravir merveilleusement, de se l’attacher avec violence et de lui inspirer le mépris de tout ce qui ne peut être désiré qu’au détriment de ces biens supérieurs ».

Voilà aussi en quoi cet amour est profitable.

« Super omnes  docentes me intellexi : quia testimonia tua meditatio mea est » « j’ai eu plus d’intelligence que tous ceux qui m’instruisent car vos témoignages sont ma méditation ».

« Super senes intellexi quia mandata tua quaesivi » « J’ai été plus intelligent que les vieillards parce que j’ai recherché vos commandements »

Le deuxième effet de cet amour divin entretenu en moi, c’est d’avoir une meilleure intelligence des choses, de la réalité, que celle que me donne un enseignement purement laïc : « Super omnes docentes me intellexi », voire des années sans Dieu, « senes ». Car cet enseignement refuse le surnaturel, par principe, alors que le surnaturel est tout, est la réalité. Je connais mieux alors la réalité de mon être. Je connais mieux ainsi ce que je suis, qui je suis, fils de Dieu. C’est ce que dit également saint Bernard, toujours dans le même traité de l’amour de Dieu. Il écrit : « Et si je dois me donner tout entier à Dieu parce qu’il m’a créé, ma dette est beaucoup plus grande parce qu’il m’a recréé d’une façon plus merveilleuse encore. Oui, pour Dieu, cela a été moins facile de me recréer que de me créer. Pour me créer, et pour créer tout ce qui existe, les Livres Saints disent : « Dieu a dit une seule parole, et tout a été fait » (Psaume 148, 5). Mais celui qui m’a créé par une seule parole a dû faire beaucoup plus pour me recréer. Il a dû faire des choses merveilleuses. Il a dû supporter des choses dures, et non seulement dures, mais des souffrances qui ne sont pas dignes de Dieu. « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a donnés ? » (Psaume 115, 12). Au début, quand Dieu m’a créé, il m’a donné la vie à moi-même. Puis, quand Dieu m’a recréé, il s’est donné lui-même à moi. Et en se donnant lui-même, il m’a rendu la vie. C’est donc une double dette que j’ai envers lui. Ainsi, il m’a donné une première fois à moi-même, puis il m’a rendu une seconde fois à moi-même. Mais que rendrai-je à Dieu qui se donne à moi ? Même si je pouvais me donner mille fois, est-ce que je suis quelque chose, moi, à côté de Dieu ? » Quel réalisme ! Seul, celui qui a la foi peut l’affirmer.

Ce langage me fait penser à l’enseignement de NSJC donné à Nicodème qui était venu le trouver en pleine nuit par crainte des juifs, sur la nouvelle naissance par l’Esprit Saint pour entrer dans la gloire : « Or, il y avait parmi les Pharisiens un homme nommé Nicodème, un des principaux parmi les Juifs. Il vint de nuit trouver Jésus, et lui dit :  » Maître, nous savons que vous êtes venu de la part de Dieu, comme docteur, car personne ne saurait faire les miracles que vous faites, si Dieu n’est pas avec lui.  » Jésus lui répondit :  » En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu.  » Nicodème lui dit :  » Comment un homme, quand il est déjà vieux, peut-il naître ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère, et naître de nouveau ?  » Jésus répondit :  » En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
Car ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.
Ne t’étonne pas de ce que je t’ai dit : Il faut que vous naissiez de nouveau.
Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va : ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit.  » Nicodème lui répondit :  » Comment cela se peut-il faire ?  » Jésus lui dit :  » Tu es le docteur d’Israël, et tu ignores ces choses ! » (
Jn 3 1-10). La foi, seule, peut me permettre de comprendre ce langage !

 « Ab omni via mala prohibui pedes meos : ut custodiam verba tua » « J’ai détourné mes pieds de toute voie mauvaise, afin de garder vos paroles ».

« A judiciis tuis non declinavi, quia tu legem posuisti mihi » « je ne me suis point écarté de vos jugements parce que c’est vous qui m’avez prescrit une loi »

Mieux encore, il serait préférable de dire, si je peux me permettre… : « c’est la garde des paroles de Dieu qui « détourne mes pieds de toute voie mauvaise ». Là aussi saint Bernard dit de belles choses dans son traité de l’amour de Dieu. Il se pose alors la question dans son chapitre 4 : « Quels sont ceux qui trouvent consolation dans le souvenir de Dieu », dans le souvenir de sa Passion, de son amour ?

Ce ne sont pas ceux qui mettent leur consolation dans les richesses de ce monde ; ceux-ci, vous dis-je, ont déjà leur récompense.

Mais ce sont ceux qui « ne s’attachent pas aux choses présentes », mais qui n’ont que pensée pour les « choses futures », qui sont ravis par la « mémoire » des biens éternels, leur souvenir. Ce sont ceux qui « cherchent le Seigneur et qui, dédaignant leur propre intérêt, veulent voir la face de Dieu de Jacob ». Ce sont ceux encore qui « aspirent à la présence de Dieu ». Ce sont ceux qui mettent leur espérance en Dieu. Ainsi ceux-là et ceux-là seuls trouvent consolation « dans le souvenir de cette charité sans pareille par laquelle l’Epoux a donné sa vie pour ses amis » (chap 4)

Ils trouvent consolation, appui et repos « dans cette dilection merveilleuse toujours remémorée et toujours mémorable » en attendant que s’achèvent les temps de l’iniquité qui précèdent pour elles et pour elles seules le temps de la présence qui est le temps de la joie que leur donnera la présence de la majesté divine, de la « vision déifique » ; c’est le temps de « l’inestimable félicité de la présence divine ». Et dans « ce temps de l’iniquité » ou de l’absence de Dieu, « il est convenable que ces esprits spirituels consacrent leur attention à la mémoire de la Passion » « afin de les empêcher de se soumettre aux désirs de la chair » (chap 4).  Ce n’est pas le moindre avantage pour l’âme. C’est  un des fruits de l’amour de Dieu.

« Quam dulcia faucibus meis eloquia tua, super mel ori meo » « Que vos paroles sont douces à mon palais. Elles le sont plus que le miel ne l’est à ma bouche »

« Dulcia…eloquia tua » « Que vos paroles sont douces…elles le sont plus  que le miel à ma bouche ». « Dulcia » « douces » « douceur ». Voilà une caractéristique fondamentale de la parole de Dieu. C’est bien vu. Non seulement de la parole de Dieu, mais de Dieu même et de sa Révélation. Cette « douceur », pour le psalmiste, n’est pas simplement un sentiment intérieur, elle tend à se manifester. C’est ainsi qu’au sens figuré et appliqué aux hommes, la « douceur » fera sur l’esprit et le cœur du prochain une impression comparable à celle que font le miel et le sucre sur le goût et le « palais ». « faucibus meis ». La douceur est une qualité spéciale de la bonté, la bonté serait presque synonyme de douceur, d’humanité. « Humanitas ».  C’est la vertu par excellence de Dieu. Elle est un attribut divin. Et c’est pourquoi il est clair que le pécheur trouvera toujours  un accueil favorable auprès de Dieu. C’est l’accueil que réserva le père à l’enfant prodigue, son fils. La douceur, la bonté incline au pardon. Et c’est pourquoi saint Paul conçoit « tout le plan du salut en fonction de la douceur de Dieu » – « Dulcis » –  qui n’est pas seulement bienveillante et miséricordieuse mais bienfaisante et efficacement agissante. Il a  montré aux siècles à venir les trésors surabondants de sa grâce et de sa « douceur » envers nous dans le Christ Jésus ». Dans le Christ, il nous a aimé, nous a rendu la vie avec le Christ, nous a ressuscité avec lui et nous a fait asseoir avec lui dans les cieux (Eph 2 7). Saint Paul voit dans le Christ, – c’est tout l’enseignement de ces Epîtres – le déploiement, la puissance et les fruits de cette douceur divine…Cette douceur est un amour de bienveillance et de tendresse, elle s’inspire de la charité qui est à la fois gratuite, prévenante, compatissante et elle devient, dans ce plan divin,  généreuse et bienfaisante. Saint Paul à Tite (Tite 3 1) résume cette idée : Nous sommes sauvés selon sa miséricorde, lorsque la douceur et l’amour, pour les hommes,  de Notre Sauveur-Dieu furent manifestés dans la naissance de Jésus. « Douceur » et  « humanitas » (philantropie) (Tit 3 4-5) sont les attributs de Dieu  en tant que Sauveur de l’humanité. C’est son amour tendre et compatissant qui l’incite à s’incarner pour délivrer ses créatures du péché. Cette « douceur » a donc une nuance de pitié suscitée par le spectacle de l’humanité pécheresse. Mais ce qu’il faut comprendre – le psalmiste nous met sur la voix : « Quam dulcia faucibus meis eloquia tua, super mel ori meo » « Que vos paroles sont douces à mon palais. Elles le sont plus que le miel ne l’est à ma bouche » – c’est que cette douceur n’est pas seulement un sentiment intérieur, un sentiment du cœur, elle agit et décrète les moyens de remédier à la situation malheureuse des hommes. Elle décide l’envoi d’un Sauveur. Le Christ est donc le fruit de la divine bonté de Dieu. C’est pourquoi toute sa vie sur terre sera une épiphanie de quelques trente-trois ans de douce bonté miséricordieuse, bienfaisante, notamment dans le tendre accueil qu’il réservait aux pécheurs repentants, la prédilection qu’il montrait aux pauvres, les miracles qu’il opérait en faveur de malades et des infirmes, la commisération qu’il manifestait pour toutes les détresses. La douceur est certainement le trait dominant de la physionomie du Christ, le caractère le plus visible de tout son ministère. C’est bien en vertu de cette vertu – la « douceur », « dulcia » – que l’on pourrait le mieux décrire la vie du Sauveur, depuis Nazareth, Bethléem et le Golgotha. Là, sur la Croix il pardonne à ses ennemis et accueille avec tant de « douceur » la confession du Bon Larron !

« A mandatis tuis intellexi, propterea odivi omnem viam iniquitatis » « Vos préceptes m’ont donné l’intelligence, c’est pourquoi je hais toute voie d’iniquité ».

Cette strophe est l’occasion pour moi de rappeler les 10 commandements de Dieu que l’on n’enseigne plus et dont on a plus l’intelligence, raison du si grand désordre social et familial: Celui qui les connaît et les pratique « hait toute vois d’iniquité » et garde une sainte intelligence de Dieu et de son éternité et du bien commun:

« Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement

Son saint nom tu respecteras, fuyant blasphème et faux serment

Le jour du Seigneur garderas, en servant Dieu dévotement

Tes père et mère honoreras, tes supérieurs pareillement

Tu ne tueras pas.

Tu ne commettras pas d’adultère.

Tu ne voleras pas

Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain.

Tu ne convoiteras pas la maison ou la femme de ton prochain

Tu ne convoiteras rien de ce qui est à ton prochain ».

Voilà un résumé de vie, de la vraie vie.

«  Lucerna pedibus meis verbum tuum et lumen semitis meis » «  Votre parole est une lampe devant mes pas et une lumière sur mon sentier ».

Cette strophe est un « avant-goût », si vous me permettez l’expression, comme une annonce du Benedictus de Zacharie : Zacharie annonce en effet que l’œuvre salvifique pensée depuis toujours par Dieu est une œuvre de lumière, une œuvre de salut :

« Quant à toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut,
Car tu marcheras devant la face du Seigneur, Pour lui préparer les voies ; Pour apprendre à son peuple à reconnaître le salut Dans la rémission de leurs péchés :
Par l’effet de la tendre miséricorde de notre Dieu, Grâce à laquelle nous a visités, d’en haut, le Soleil levant, (in quibus visitavit nos oriens ex alto) (sous entendu la lumière du Soleil levant) Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, (illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent)
Pour diriger nos pas dans la voie de la paix.  » (ad dirigendos pedes nostros in viam pacis »
(grâce à cette lumière, nous ne marchons pas dans les ténèbres)

Cette œuvre divine, réalisée en Jésus-Christ, par Jésus-Christ,  annoncée par Jean-Baptiste,  est bien une œuvre  de salut, une œuvre d’illumination, nous permettant de quitter les ténèbres et de vivre dans la paix et de marcher dans la lumière. C’est ce que dit, déjà, le psalmiste : «  Lucerna pedibus meis verbum tuum et lumen semitis meis » «  Votre parole est une lampe devant mes pas et une lumière sur mon sentier ». Il n’y a pas de contradiction mais parfaite continuité entre l’Ancien et le Nouveau Testament. L’annonce de l’œuvre de Dieu est la même. Ce discours de Zacharie, annonçant l’œuvre du Christ, une œuvre de lumière et de paix, confirme bien ce que Dieu disait dans la Genèse : « Je mettrais une inimitié entre toi et la femme, elle t’écrasera la tête » dans son Fils.

C’est dans ce contexte que les phrases de Jésus aux Juifs, en Saint Jean, prennent toute leur valeur : Jésus leur dit : « La lumière n’est plus que pour un temps au milieu de vous. Marchez, pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent : celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière.  » Jésus dit ces choses, puis s’en allant il se déroba à leurs yeux » (Jn 12  35-36)

Et les Apôtres, comme saint Jean, auront soin de préciser quelle est cette lumière : c’est la charité fraternelle : «  Mes bien-aimés, ce n’est pas un commandement nouveau que je vous écris, c’est un commandement ancien, que vous avez reçu dès le commencement ; ce commandement ancien, c’est la parole que vous avez entendue. D’un autre côté, c’est un commandement nouveau que je vous écris, lequel s’est vérifié en Jésus-Christ et en vous, car les ténèbres se dissipent et déjà brille la véritable lumière. Celui qui dit être dans la lumière
et qui hait son frère est encore dans les ténèbres.
 Celui qui aime son frère, demeure dans la lumière, et il n’y a en lui aucun sujet de chute. Mais celui qui hait son frère est dans les ténèbres ; il marche dans les ténèbres, sans savoir où il va, parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux »
(I Jn 2 7-8).

Ici, sur ce sujet, on ne peut pas ne pas citer et méditer les phrases du prophète Siméon recevant l’enfant Jésus des mains de la sainte Vierge arrivant avec saint Joseph au Temple : « Or, il y avait à Jérusalem un homme nommé Siméon ; c’était un homme juste et craignant Dieu, qui attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit-Saint était sur lui. L’Esprit-Saint lui avait révélé qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint donc dans le temple, poussé par l’Esprit. Et comme les parents apportaient le petit Enfant Jésus, pour observer les coutumes légales à son égard, lui aussi, il le reçut entre ses bras, et bénit Dieu en disant :  » Maintenant, ô Maître, vous laissez partir votre serviteur En paix, selon votre parole ; Puisque mes yeux ont vu votre salut, Que vous avez préparé à la face de tous les peuples : Lumière qui doit dissiper les ténèbres des Nations Et gloire d’Israël, votre peuple. » (Lc 2 25-32)

 « Juravi et statui custodire judicia justitiae » « j’ai juré et résolu de garder les jugements de votre justice ».

Si les jugements de la justice divine » sont comme la lumière qui éclaire ma route, selon ce que le psalmiste exprime dans la strophe précédente, il est facile de comprendre, cette présente résolution et promesse. Qui ne suivrait pas cette « lumière », avec résolution, même au milieu des difficultés et contradictions connues, jusqu’aux plus grandes humiliations, se montrerait bien imprudent :

« Humiliatus sum usquequaque, Domine, vivifica me secundum verbum tuum » « j’ai été profondément humilié, Seigneur, faites-moi vivre selon votre parole »

Je resterai fidèle à vos jugements, quoi qu’il arrive. Telle est mon offrande et ma résolution. Elle est irrévocable.

« Voluntaria oris mei beneplacita fac, Domine et judicia tua doce me » «  Agréez, Seigneur, l’offrande volontaire de ma bouche et enseignez moi vos jugements ».

Je reste éternellement attaché à votre loi ! Quels que soient les efforts de mes ennemis pour m’attirer loin de vous.

« Anima mea in manuibus meis semper et legem tuam non sum oblitus » « Mon âme est toujours entre mes mains et je n’ai pas oublié votre loi »

« Posuerunt peccatores laqueum mihi et de mandatis tuiss non erravi » « Les pécheurs m’ont tendu un piège et je ne me suis point écarté de vos commandements »

Pourquoi donc cela ?:

Parce que j’aime votre « héritage » : « Hereditate acquisivi testimonia tua in aeternum, quia exsultatio cordis mei sunt » « J’ai acquis vos enseignements comme un éternel héritage, car ils sont l’allégresse de mon cœur »

C’est là aussi une magnifique pensée de l’auteur. Il considère l’œuvre salvifique de Dieu, sa loi,  comme un merveilleux héritage. Le plus beau de ses biens qui réjouit son cœur. Telle est la raison de son bonheur et de sa fidélité.  Comment ne pas partager ce sentiment quand on sait ce qu’est cet héritage, rien d’autre que la possession éternelle du  Royaume de Dieu : « Venez les bénis de mon Père. Entrez dans la joie de votre Seigneur et Maître ».

« Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem » « J’ai porté mon cœur à pratiquer toujours vos lois, à cause de la récompense »

C’est aussi encore une très belle phrase qui correspond parfaitement à l’enseignement de saint Bernard dans le chapitre 7 de son petit traité de l’amour de Dieu : « on n’aime pas Dieu sans récompense » bien qu’il faille en attendre aucune : « J’ai porté mon cœur à pratiquer toujours vos lois, à cause de la récompense ». Il va même jusqu’à dire : « On ne peut aimer Dieu sans profit » pour son âme. Voilà comment saint Bernard s’exprime. C’est là un beau commentaire de cette belle phrase du psalmiste : « Quand on aime Dieu, on reçoit de lui une récompense. Mais nous ne devons pas l’aimer pour recevoir cette récompense. En effet, l’amour vrai reçoit toujours quelque chose en échange. Pourtant, il ne veut rien gagner, parce qu’il « ne cherche pas ses intérêts » (1 Corinthiens 13, 5). C’est un mouvement du cœur, ce n’est pas un contrat. L’amour ne s’achète pas et il n’achète rien. L’amour est spontané, et nous fait agir spontanément. L’amour vrai trouve toute sa joie en lui-même. La récompense de l’amour, c’est la chose qu’on aime… L’amour vrai ne cherche pas de récompense, mais il en mérite une. Bien sûr, on promet une récompense à quelqu’un qui n’aime pas encore vraiment. On doit cette récompense à celui qui aime, et on la donne à celui qui est fidèle dans l’amour… Si quelqu’un aime Dieu, il cherchera, comme seule récompense, le Dieu qu’il aime. S’il cherche autre chose que Dieu, il n’aime pas vraiment Dieu, c’est sûr. »

La seule récompense de l’amour, c’est Dieu lui-même. N’est-ce pas assez ? C’est tout.

 

 

 

 

 

 

 

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